08 Juin Entrevue avec Bert Chase De Robert McKay
Robert : Pourriez-vous nous dresser un portrait de votre enfance et de votre jeunesse? Est-ce qu’il y a eu des événements marquants qui ont préparé votre rencontre avec l’anthroposophie?
Bert : Je suis né aux États-Unis, dans une petite ville du Missouri. Quand j’étais encore très jeune, ma famille s’est installée au Pérou, et c’est là que j’ai passé mon enfance. Lorsque je revois ces années dans ma mémoire, un de mes tout premiers souvenirs m’apparaît comme étant d’une importance capitale pour le déroulement de ma biographie. J’avais quatre ans lorsque nous avons fait une excursion en famille jusqu’au Machu Picchu, dans les hautes Andes. Par suite d’un concours de circonstances exceptionnelles – y compris un glissement de terrain et le fait que mon père avait décidé qu’on y arriverait coûte que coûte – nous étions les seuls êtres humains sur le site ce jour-là. Il avait plu pendant quelque temps auparavant, mais quand nous sommes enfin arrivés à ce magnifique endroit, le soleil est apparu sous les nuages. Je me rappelle encore la magie de la scène – le soleil surgissant tout d’un coup et inondant les gouttelettes qui couvraient tout alentour – chaque gouttelette scintillait d’une lumière intérieure. Et à certains moments de ma vie, la qualité de cette expérience resurgit soudainement. Ce qui monte en moi alors, c’est comme une transparence, une qualité diaphane, une impression que l’invisible est très proche de ce qui est visible. J’ai mis beaucoup de temps à pouvoir trouver des mots pour exprimer ces expériences inattendues. Il va sans dire qu’à l’âge de quatre ans je n’avais pas encore le langage nécessaire, et pourtant l’expérience avait tendance à ressurgir avec une telle force qu’elle me réveillait, pour ainsi dire. Elle m’éveillait à la vie et me procurait comme la certitude que ce que nous percevons – la pesanteur du monde dans lequel nous vivons – ne fournit pas une image complète de la réalité. Il existe un état de légèreté derrière nos impressions sensorielles, et ceci est relié à ma façon de ressentir l’espace, la lumière, le lieu. Depuis beaucoup d’années déjà je me sens attiré par les lieux historiques et archéologiques. J’ai eu le bonheur de beaucoup voyager depuis les années de mon enfance, « tombant » par hasard sur ces endroits remarquables, confronté à ce sentiment d’être en présence de ce qui ne se manifeste pas aux sens. La certitude que ces expériences m’ont procurée a joué un rôle central dans la configuration de ma biographie. Lors des moments difficiles, où la lourdeur de la vie pèse sur moi, le souvenir de ces expériences me soutient. Ces expériences m’ont guidé vers la profession d’architecte – initialement dans l’intention de travailler avec l’espace, la lumière et la forme. Au début, c’était quelque chose d’instinctif, mais lorsque j’ai trouvé l’anthroposophie, j’ai commencé à comprendre. Rudolf Steiner m’a donné de la confiance : je pourrais dorénavant me laisser guider par ces moments sacrés, leur permettre d’intégrer ma vie professionnelle. Et tout ceci découle de ce tout premier souvenir d’eau, de lumière et de pierre.
Robert : Alors, comment s’est faite votre première rencontre avec l’anthroposophie?
Bert : Elle est issue du même courant d’événements. Depuis mes jeunes années, j’avais « joué » avec des imaginations spatiales, donc il était tout à fait naturel que je choisisse d’étudier l’architecture à l’université. Il s’agissait d’une formation de six ans, période qui coïncidait avec la guerre du Vietnam. Ma famille avait réintégré les États-Unis, et c’est là que j’ai fréquenté l’école secondaire et me suis ensuite inscrit à la School of Design, Architecture and Art à Cincinnati, dans l’Ohio. Je me formais donc en architecture avec, en arrière-plan, les bouleversements et le chaos social de l’époque. Ces années d’université ont été obscurcies par un sentiment de désintégration grandissante aux niveaux politique et social. Je n’arrivais pas à trouver ma place au sein de ce que je ressentais comme étant un climat universitaire qui ne faisait que refléter la lourdeur et les ténèbres de la culture de l’époque. Le principe fondamental de la formation – principe du reste très nord-américain – était que l’architecte était la diva, le chef d’orchestre qui déterminait l’environnement. J’étais intérieurement mal à l’aise devant cet archétype de l’architecte-vedette, car il mettait l’accent sur le développement de la personnalité, en somme du petit moi, de l’étudiant. Je me sentais intérieurement sûr quant à mon propre chemin, mais me sentais en même temps en situation de conflit vis-à-vis le trouble social partout apparent. Lors de ma troisième année de formation, j’ai frappé un mur. Je ne savais plus quel chemin prendre pour continuer. Et pendant que je luttais avec ce sentiment d’être un étranger dans le monde qui m’entourait, un ami très proche et camarade de classe, m’a présenté une de ses connaissances qui était impliquée à fonder ce que je comprenais comme étant « une nouvelle école, assez étrange » qui avait quelque chose à voir avec des « esprits ». Cette personne était sur le point de partir pour un endroit appelé Spring Valley. Lorsqu’elle est revenue d’un de ces congrès, elle m’a dit : « Tu sais, Bert, je pense que tu trouverais à Spring Valley quelque chose qui pourrait t’intéresser ». On était alors en 1970, quelques jours avant Pâques. Suivant sa suggestion, je suis monté avec mon ami Jim Chapman dans sa Corvette décapotable – comme nous le faisions souvent à l’époque – et nous avons mis le cap sur Spring Valley. Nous y avons rencontré Walter Leicht, à l’époque le seul architecte travaillant à partir de l’impulsion de l’anthroposophie sur le continent américain. Durant ce week-end de Pâques, nous avons assisté à une représentation d’eurythmie donnée par les élèves de la douzième année de l’école Waldorf. Au milieu de la représentation, je me suis tourné vers Jim et lui ai chuchoté à l’oreille : « ceci a un lien avec l’architecture! » Il a suffi de ces quelques jours et des rencontres que nous avons faites pour que nous soyons complètement accros! À notre retour à Cincinnati, nous avons trouvé un groupe d’études – et le reste appartient à l’histoire. Jim a fini par être le seul architecte sur la côte est travaillant à partir de l’impulsion de l’anthroposophie, et moi le seul sur la côte ouest.
Robert : Que veut dire : être un architecte qui travaille à partir de l’anthroposophie?
Bert : L’anthroposophie a complètement transformé ma façon d’être en tant qu’architecte. Il a fallu que je recrée ma vision de ce que j’avais pensé jusque-là par rapport à ce que je faisais. Elle m’a donné une confirmation quant à mon malaise initial face à ma formation – qui avait mis l’accent sur l’importance de la personnalité de l’architecte. Peu à peu, j’ai commencé à me rendre compte que je devais concevoir l’architecture comme faisant partie d’un courant vivant qui évolue à travers le temps. Si je voulais réellement contribuer à ce flux mouvant, il fallait d’abord que je le comprenne et en prendre l’engagement personnel solennel. C’était tout à fait le contraire de la formation que je recevais et qui prisait surtout ce qui émanait de la personnalité. Quand j’ai eu fini ma formation, je voulais absolument travailler dans une ambiance convenable et aux côtés d’un architecte travaillant à partir de l’impulsion de l’anthroposophie. Ceci m’a amené jusqu’au village Camphill à Copake, dans l’état de New York, où une fois de plus j’ai rencontré un homme remarquable. Il s’agit du peintre Carlo Pietzner, originaire de Vienne, qui avait été parmi le cercle original de jeunes autour du Dr Karl König. Carlo a été une influence fondamentale dans ma biographie, me guidant à travers les lumières données par Rudolf Steiner sur la nature des arts : tous les arts sont en effet un processus d’évolution qui est inséparablement lié à notre évolution en tant qu’êtres humains, une idée lumineuse qui m’a donné le point d’ancrage solide dont j’avais besoin. Cette idée inspire et imprègne mes explorations en anthroposophie depuis presque 50 ans. Mes recherches principales ont été dans le domaine de l’évolution de la conscience, surtout en ce qui concerne les arts. Ceci m’a amené à une étude élargie des principaux mythes chez les différents peuples, et ensuite à la recherche des liens entre ces mythologies et les arts, surtout l’architecture. L’architecture est l’objet créé par les hommes qui englobe tout et qui laisse une trace, une image, un document qui raconte la cosmologie d’un peuple. Comprendre ces liens est devenu le travail de ma vie et la base de mon travail professionnel. Rudolf Steiner confirme le fait que l’architecture a toujours été guidée à partir des mystères dans un but de préparer les êtres humains à vivre leur prochaine incarnation. Par conséquent, les questions principales qui m’ont guidé sont : quelles formes, quels espaces devons-nous introduire dans notre monde d’aujourd’hui pour nous aider pour nos incarnations futures. Cet appel de Rudolf Steiner se place carrément à l’encontre de notre perception habituelle de l’architecture. L’architecture n’a rien à voir avec ce que je veux produire, arbitrairement, en tant qu’artiste. Elle place plutôt l’architecte devant le défi de se mettre au service de ce qui est nécessaire pour l’évolution humaine. Je ressentais intuitivement que l’approche égocentrique était erronée, mais c’était le cadeau de Carlo Pietzner et ensuite de Rex Raab, qui s’étaient profondément pénétrés de l’impulsion architecturale de Rudolf Steiner, qui m’a aidé à trouver l’étoile qui me guide jusqu’à ce jour. Après mon séjour à Camphill, je suis devenu membre du groupe d’architectes qui s’était formé au Collège Emerson, en Grande-Bretagne. Et c’est là que j’ai connu Ester, celle qui allait devenir mon épouse. Nous sommes venus ensemble à Vancouver, où nous avons élevé nos enfants et où j’ai ouvert mon bureau d’architecte en 1977.
Robert : Il est tout à fait remarquable de constater comment l’anthroposophie transforme une profession, rendant la profession à elle-même, mais d’une forme nouvelle, une forme qui met l’accent sur son rôle de service à l’humanité : chaque profession devient alors un chemin vers un éveil spirituel pour celui qui la pratique.
Bert : Oui, je ne peux pas imaginer ce qu’aurait été ma vie sans la suite d’événements critiques (« accidents! ») qui m’ont guidé jusqu’à l’anthroposophie. Le fait d’avoir eu le privilège de rencontrer réellement l’anthroposophie a confirmé ma vie et lui a donné une direction. Mais, bien sûr, pour que cette rencontre véritable puisse avoir lieu, nous devons accueillir l’anthroposophie en nous. La question devient alors : quels sont les obstacles qui empêchent cette expérience – non pas seulement pour moi-même, mais aussi pour les autres? Nous hésitons souvent à partager avec d’autres notre propre lien intime avec l’anthroposophie. Nous sommes hésitants, protecteurs en ce qui concerne toute révélation de quelque chose de si intime, tellement lié au fil sacré de notre biographie. Nous sommes sur nos gardes par rapport aux critiques possibles et au jugement des autres – qui sont effectivement des réactions omniprésentes à notre époque, où l’on cultive la croyance fondamentale que seul peut être réel ce qui a un poids et une solidité physiques. Tout ce qui tend à éveiller un sentiment pour quelque chose qui existerait au-delà de cette pesanteur est immédiatement vu comme étant suspect. Ce doute, cet obstacle qui barre le chemin aux expériences délicates, raffinées, subtiles, sape notre essence humaine. Par contre, en tant qu’anthroposophes, nous avons connu l’expérience d’avoir rencontré quelque chose de profond. Mais en même temps nous nous trouvons confrontés à un monde dans lequel nos expériences d’âme peuvent être dérangeantes pour les êtres autour de nous. On nous a appris que ce qui a du pois, ce qui est perceptible est ce qui nous procure confort et sécurité, et semble fournir un sol ferme sur lequel nous pouvons nous tenir. En même temps, cela étouffe notre humanité. Voici la situation que nous vivons dans notre monde contemporain. La possibilité pour l’anthroposophie de pénétrer dans notre monde a été limitée d’une part par notre hésitation à la partager et d’autre part par la conception courante de la réalité. Un individu tend à trouver l’anthroposophie en suivant ses intuitions. Dans ma propre vie, ces pressentiments étaient là en premier. En fait, beaucoup de personnes vivent ces mêmes intuitions. Nous faisons l’expérience dans notre inconscient de quelque chose que notre esprit conscient a appris à ne pas considérer comme réel. Beaucoup d’êtres humains vivent actuellement un éveil, un pressentiment de l’existence de quelque chose qui n’est pas matériel, mais ne savent pas quoi faire de ces expériences. C’est précisément la nature de notre condition actuelle où nous vivons l’expérience du seuil. Ceux d’entre nous qui avons eu le privilège de trouver le chemin vers l’anthroposophie, vers la science de l’esprit, nous devons comprendre cette situation. Notre civilisation s’approche du moment d’ouverture où la possibilité d’entendre ces appels augmentera. Le siècle qui vient de terminer nous a préparés d’une certaine manière à rencontrer cette ouverture pour l’humanité. Nous nous trouvons à un point critique. Est-ce que nous entraverons ou favoriserons la possibilité que l’anthroposophie satisfasse les besoins d’âme que ressentent tellement de nos semblables? Ces besoins ont toujours existé, mais ils deviennent de plus en plus urgents. Dans un certain sens, nous pouvons dire que notre civilisation n’a pas encore été capable d’entendre la voix de l’anthroposophie.
Robert : Étant donné que nous nous trouvons devant ce tournant, est-ce que le rôle de la Société anthroposophique a besoin de changer? Qu’est-ce que la Société devrait faire de plus – ou de moins!?
Bert : Voilà une question fort difficile, en partie à cause de l’utilisation du mot «devrait. » Pouvons-nous éliminer ce mot de notre façon de parler? Car il laisse entendre que nous savons, que nous avons des réponses. Croyons-nous réellement avoir des réponses? Qu’est-ce que nous espérons? Le langage que nous utilisons forme notre façon de penser et nos possibilités de former des images. Nous sommes en plein dans la préparation des célébrations prévues pour les 100 ans de ce que les impulsions de Rudolf Steiner ont semé pour la culture de notre époque. En réalité, un siècle est une construction arbitraire. Mais à l’intérieur d’un siècle se cache le rythme remarquable de trois fois 33 1/3 ans, qui lui n’est pas du tout arbitraire, mais qui nous lie à l’être central de l’évolution. Depuis ces cent ans, des individus et des cercles d’individus sont à la recherche de cet être à travers tout ce qu’a initié Rudolf Steiner. C’est comme si ce temps à servi à notre apprentissage, une formation visant à nous permettre d’intégrer l’anthroposophie dans nos vies. Ce n’est plus une question de la penser seulement, ni de la ressentir seulement, mais de « devenir un » avec l’anthroposophie. Je crois que nous en sommes arrivés au point où nous sommes appelés à renouveler notre initiative personnelle, forts de cette centaine d’années de préparation. L’espoir qui m’anime, ce serait que nous puissions réellement trouver le langage dont notre époque contemporaine a besoin – trouver le langage qui peut servir d’invitation, de porte d’entrée, de pont pour nos contemporains qui sont en quête de quelque chose. Lorsque je réfléchis à ce qui a été mon pont personnel vers l’anthroposophie, vers mon lien avec Rudolf Steiner, je me rends compte que cela à toujours été des rencontres personnelles avec des individus remarquables. J’ai espoir que nous pouvons apprendre à entretenir de telles conversations avec ceux qui vivent l’imminence d’une percée au niveau de la culture. Si nous voulons être tout à fait honnêtes avec nous-mêmes, nous devons avouer qu’il existe des centaines de milliers d’êtres humains qui ressentent cette urgence. Ils se sont tournés vers d’innombrables mouvements pour tenter de comprendre ces expériences. Je suis d’avis que nous possédons quelque chose d’unique qui saura parler à cette aspiration – non pas avec des réponses, mais plutôt avec de la chaleur humaine, avec un véritable intérêt, avec compréhension. Si nous devenons de véritables acteurs dans tous les domaines de la vie humaine, si nous contribuons réellement, nous pouvons appréhender et rencontrer ce qui se passe vraiment à notre époque. Les exemples sont sans nombre. On n’a qu’à considérer le mouvement écologique et songer à tout ce que la voix de l’anthroposophie pourrait dire sur les raisons pour lesquelles les gens commencent à ressentir la souffrance de la terre. Il y a un sentiment intuitif qui sous-tend le mouvement écologique, un sentiment que l’anthroposophie pourrait amener au niveau de la conscience et donner en même temps une sûreté en apportant le moyen de comprendre la nature même de ce sentiment obscur. Ce que j’espère pour notre Société anthroposophique et pour ses membres, c’est que nous trouvions le courage de parler et de chercher où nous pouvons contribuer en dehors de nos cercles intimes. Mais il est bien sûr très important que nous nous parlions entre nous, car c’est là que nous pratiquons ce nouveau langage. Entre nous, nous pouvons nous exercer à développer une sensibilité à la vie d’âme de l’autre pour apprendre à ne pas violer l’espace intime et sacré de l’autre. Si nous n’arrivons pas à faire cela entre nous qui partageons un terrain commun, comment pourrions-nous espérer le faire avec des gens avec qui nous ne partageons pas ce terrain commun. La grande occasion que la vie au sein de la Société anthroposophique nous fournit, pourvu que nous en soyons conscients, c’est que nous avons la possibilité dans nos cercles de travailler à développer la sensibilité qui nous permet de rencontrer réellement, et d’être réellement avec, ceux qui partage notre aspiration, mais qui parlent un autre langage, ou qui possèdent une imagination autre que la notre. Il y a tellement d’êtres humains qui cherchent une transformation de la culture. En tant que porteurs de l’anthroposophie, nous avons une contribution toute particulière à faire en vue de cette transformation.
Robert : Voilà une très belle image de la Société anthroposophique comme environnement d’apprentissage et comme communauté, mais une communauté qui, à partir de ce qui est appris à l’intérieur de ses cercles, se tourne vers le monde extérieur pour offrir ses ressources à tous les êtres humains.
Bert : Nous avons généralement hésité à le faire. Je pense que cela a à voir avec un sentiment de ne pas être à la hauteur, que nous ne sommes pas prêts, que nous n’avons pas encore fini notre période d’apprentissage. Mais, prêts ou non, nous sommes arrivés au moment où nous sommes appelés à assumer la responsabilité pour ce que nous avons reçu. Cela s’appelle une pratique, et avec raison, et lorsqu’il le faut, le monde nous corrigera.
Robert : Vous êtes impliqué au niveau de l’École de Science de l’Esprit et du travail avec les leçons de la première classe. Comment s’est fait votre début dans ce travail et comment vivez-vous votre tâche de lecteur de Classe?
Bert : À bien y réfléchir, le chemin vers la Classe a commencé pour moi dès l’expérience vécue dans mon enfance dont j’ai déjà parlé – le fort sentiment de deux mondes qui s’entre-pénètrent. Je suis devenu membre de la Société lors de mon séjour en Angleterre; là mon introduction à la connaissance anthroposophique a été fructueuse, favorisée par l’environnement de toute une communauté bien installée. Et puis, voilà qu’est venu le moment où je me suis rendu compte que je ne pouvais plus vivre en recevant seulement, qu’il fallait que j’assume une responsabilité quelconque. C’était à partir de ce sentiment d’un revirement intérieur que j’ai commencé à me tourner vers l’École. Je connaissais l’existence de l’École sans en savoir grand-chose. Je n’en avais pas une image claire. Mais à mesure que croissait en moi ce besoin de redonner quelque chose à la communauté, l’importance de l’École s’imposait. J’ai été reçu membre de l’École et ai participé activement à la Classe pendant plusieurs années. Et puis, voilà qu’est survenu un de ces événements biographiques qui nous arrivent sans qu’on s’y attende, sans qu’on y ait même réfléchi auparavant. On m’a demandé si j’accepterai d’assumer la tâche de lecteur de Classe. Il arrive que les réflexions et consultations au sujet d’un candidat pour assumer la tâche de lecture puissent s’étirer sur de longues périodes, même pendant des années, et toujours à l’insu du candidat. En ce qui me concerne, la demande m’a pris complètement par surprise. Lors d’un congrès auquel j’assistais, Virginia Sease est venue me parler en privé pour me demander si j’accepterais d’assumer la tâche de lecteur de classe. Ma première réaction a été, bien sûr : « Mais, vous vous êtes trompée de personne! » Ensuite, à mesure que la question s’est mise à mijoter dans ma tête, je me suis rendu compte que cela aurait des conséquences au niveau des rapports avec mes proches et qu’il fallait que je réfléchisse à chacun de ces cas individuellement. Il m’est apparu peu à peu que depuis
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