La pédagogie Waldorf s’invite dans un camp de réfugiés en Grèce

La pédagogie Waldorf s’invite dans un camp de réfugiés en Grèce

 

Ingrid Krause, membre de la Société anthroposophique vivant au Québec, est de retour de Grèce, un pays qui lui est familier. Elle l’a traversé une première fois en moto, peu après ses études universitaires en Allemagne. Elle y est retournée cinq fois depuis sa retraite. « La Grèce m’attire comme une âme sœur, avec sa luminosité élevant l’esprit, le bleu foncé étincelant de ses eaux de mer, qui égaie l’âme mélancolique, ses habitants accueillants. » Elle y possède un terrain sur l’île de Cythère, « où je partage le territoire avec des chèvres de montagne sauvages, dans des collines au parfum de thym, de sauge. Et au loin, le bleu de la mer », dit-elle.

C’est un spectacle un peu moins bucolique cependant qui l’attendait à Athènes, où elle a visité cet automne le camp de réfugiés Elliniko. Ces personnes comptent parmi les milliers de migrants jadis en transit vers le nord de l’Europe, qui s’entassent maintenant en Grèce dans des conditions misérables depuis la fermeture des frontières au printemps 2016. Ingrid a récolté de l’argent dans son entourage pour contribuer à améliorer leur situation. Il a été remis à Helga Natoli, qui travaille auprès des enfants réfugiés.

Cette mère de 37 ans suit à Athènes des cours de pédagogie Waldorf donnés par Michael Tsigotsides, un anthroposophe de longue date qui a enseigné pendant 20 ans dans des écoles Waldorf en Suède. Il effectue un véritable travail de pionnier pour promouvoir cette pédagogie en Grèce, notamment par des séminaires qu’il donne pour des groupes d’étudiant/es. Les rencontres se font dans un salon très accueillant, situé en haut de sa boutique de matériel éducatif Waldorf, au cœur même de la capitale grecque. (pour de plus amples informations contactez : tsigotsides@hotmail.com)

L’une de ces étudiantes est précisément Helga Natoli, avec laquelle, raconte Ingrid, « j’ai eu le privilège d’amorcer une précieuse amitié. L’initiative anthroposophique de pédagogie Waldorf est à ma connaissance la seule en Grèce. J’en avais entendu parler il y a deux ans par Christopher H. Budd, chercheur économiste, qui m’avait aussi fait rencontrer Michael Tsigotsides. »

Ingrid présente ci-dessous quelques extraits d’un récit touchant que lui a récemment fait parvenir Helga Natoli. Elle y décrit son expérience pédagogique et thérapeutique qu’elle mène auprès des enfants réfugiés.

 

Athènes, samedi 21 mai 2016

Voici une histoire qui est loin d’être terminée et qui vaut la peine d’être racontée. Elle pourrait inciter d’autres individus à s’impliquer. Plutôt que d’essayer de vous convaincre de la valeur de ce travail, cette description est destinée à vous laisser le choix de vouloir vous impliquer ou non.

Le 16 mars 2016, j’ai entamé une série de visites au camp de réfugiés temporaire situé au quai E1 du port du Pirée.

Ayant entendu parler de la situation critique des réfugiés à Athènes, je voulais trouver un moyen de venir en aide à ces gens. J’avais entendu parler de combien le camp au port du Pirée souffrait d’un manque d’hygiène, de comment la distribution problématique de la nourriture devait être assurée par quelques ONG et par l’armée, de comment des tentes ou conteneurs ou camionnettes servaient de cliniques installées par Médecins sans Frontières ou par d’autres organisations réputées. Mais on n’entendait pas parler des enfants, que ce soit à la télévision, à la radio ou même sur l’internet. Je me suis posé des questions : que font-ils pour distraire ces enfants ? Est-ce que les parents sont capables d’en prendre soin ? Est-ce que les petits se sentent en sécurité ? Y a-t-il un espace de jeu prévu pour eux ? Est-ce qu’ils ont des livres et du matériel scolaire ? Et en ce qui concerne la scolarisation de ces enfants : est-ce qu’ils ont déjà fréquenté l’école ; depuis combien de temps est-ce qu’ils sont littéralement en fuite, ayant dû quitter leur pays ?

J’ai donc pris la décision, voulant trouver des réponses à ce tas de questions, de visiter ce camp avec mon amie Vivi un mercredi après-midi, apportant un sac rempli de crayons de couleur, de crayons pastel, de crayons-feutres et du papier. J’avais comme but de donner un atelier, pourvu que les dirigeants me le permettent et que les enfants le désirent.

Le spectacle que nous apercevions par les fenêtres de la navette qui circulait à l’intérieur du port était hallucinant : des tentes partout, des gens qui dormaient sur le ciment, utilisant leur sac de voyage comme oreiller ; d’autres qui faisaient la queue devant un conteneur aménagé en clinique ; des enfants courant nu-pieds ; des milliers de gens vivant comme des campeurs. Nous sommes descendues au hangar E1, le dernier du port. À l’extérieur, une distribution de nourriture : deux dames distribuaient des sacs de plastique contenant des repas préparés à des centaines de gens qui faisaient la queue.

Nous nous sommes promenées un peu partout, à l’intérieur et à l’extérieur du hangar, à la recherche de quelqu’un qui puisse nous donner l’autorisation d’installer notre atelier. Comme les deux dames étaient les seules à porter un genre d’uniforme, nous nous sommes adressées à elles, expliquant que nous avions apporté du matériel pour un atelier et si elles savaient à qui on devait demander la permission de nous installer.

La plus vieille des deux, sans arrêter la distribution des repas, a répondu en me regardant : « Mais allez-y ! Faites-le. » Alors, je l’ai fait…

Je suis entrée dans le hangar avec mon amie ; le plancher était jonché de couvertures grises, chaque couverture délimitant l’espace de vie pour une, deux, trois ou même quatre personnes. Sur chacune se trouvait une boîte ou bien un sac de voyage contenant des provisions et des effets personnels. Certains possédaient une couverture supplémentaire pour se couvrir, car à Athènes au mois de mars il fait froid. D’autres avaient des sacs de couchage ; et d’autres encore n’avaient ni l’un ni l’autre.

J’ai demandé à une dame, utilisant des gestes et quelques mots d’anglais rudimentaires, si elle permettrait que j’installe un drap à côté de la couverture de sa famille. Elle nous a fait de la place, pliant sa couverture, et nous nous sommes assises; et sortant une boîte de crayons et du papier, nous nous sommes mises à dessiner. Des enfants et des adultes ont commencé à venir vers nous, nous demandant un crayon et une feuille de papier. Quelques-uns sont partis avec les objets, d’autres se sont assis sur notre drap et ont dessiné à nos côtés. Ce soir-là nous avons travaillé avec plus de 80 enfants de tous les âges.

Durant ce tout premier atelier donné de 17 heures à 20 heures dans le camp E1, nous avons distribué plus de 150 feuilles format A4 et une cinquantaine de grandes feuilles à dessin. Les enfants étaient heureux de nous donner les dessins qu’ils avaient terminés. Une des mères m’a offert en cadeau une bouteille d’eau qu’elle avait obtenue à force de faire la queue. Les enfants souriants étaient heureux de passer du temps en notre compagnie et ils nous ont traitées avec beaucoup de gentillesse. J’ai remarqué qu’ils semblaient légèrement perplexes lorsque, en leur donnant le matériel, je les regardais droit dans les yeux et leur disais : « C’est pour toi », tout comme je le ferais avec Joe, mon fils. Je me suis rendu compte seulement plus tard qu’ils n’avaient probablement pas connu ce genre d’attention depuis longtemps.

Nous avons collé quelques-uns des dessins sur une grande colonne qui se dressait au milieu du hangar, et les enfants se sont empressés pour nous aider. Une petite fille a fait un dessin inscrit avec une phrase en anglais : « Please open your door ». Elle m’a offert son dessin.

Et je vois encore cette fille chaque fois que je visite le camp.

Vivi continue toujours à faire des dessins pour les enfants. Un garçon âgé de 14-15 ans est venu vers nous cette semaine et a retiré de sa poche une feuille de papier qu’il a dépliée pour montrer à Vivi qu’il avait conservé le dessin qu’elle avait fait pour lui il y a quelque temps. Dans son cercle, les enfants attendent patiemment leur tour pour recevoir ses dessins, en dessinant eux-mêmes ou en l’observant pendant qu’elle dessine.

Lors de la première visite, les enfants nous ont fait promettre de revenir ; ils ne voulaient pas nous laisser partir. Et jusqu’ici nous n’avons pas failli à notre promesse. À la fin de cette première soirée, nous avions dépensé tout le matériel d’artiste que nous avions apporté.

Hélas, ce que nous avons à offrir à ces enfants est loin d’être suffisant. Ils ont tellement perdu. Tant de vies secouées par des souffrances atroces et des actes de violence dont ils ont eux-mêmes été témoins ou ont même subi. Beaucoup de ces enfants n’ont pas de famille et sont obligés de voyager seuls dans cette aventure angoissante et dangereuse.

Pour des enfants ayant vécu ce que ceux-ci ont vécu, un dessin et quelques crayons ne suffisent pas à guérir des blessures si profondes, ce sens du vide, cette impression d’être perdu dans l’espace avec une très vague lueur d’orientation. Non, il faut de la patience et de la persévérance pour pouvoir soulager, du moins partiellement, ces états d’âme. Et j’ai confiance que chaque sourire que ces enfants trouvent à l’intérieur de leurs cœurs et nous donnent, à moi, à Vivi, aux autres bénévoles, cache une petite part de guérison, qui vient très doucement, petit à petit, contribuer à la reconstruction de ce que la guerre a si sauvagement brisé et fait voler en éclats à l’intérieur de leur âme.

Depuis ce premier jour, Vivi et moi continuons à visiter le camp du hangar E1 tous les mercredis. Deux semaines après notre première visite, nous avons remarqué qu’il y avait au port beaucoup plus de gens portant des vestes jaunes. En route vers le hangar E1, nous avons vu devant le hangar E2 une dame qui donnait un atelier avec des enfants de ce camp-là, et d’autres personnes tenant des enfants par la main.

Une fois arrivé au hangar E1 nous avons trouvé d’autres bénévoles habillés de vestes jaunes qui nous ont guidées vers l’arrière du hangar. Là, nous avons fait la connaissance d’une dame mandatée pour établir des programmes pour les enfants. Elle cherchait à organiser un service plus structuré pour les enfants du camp.

Cette femme se nomme Belle. Elle était arrivée de Lesbos une semaine avant et s’était mise à travailler comme bénévole. Une fois les présentations faites, je lui ai demandé où nous devions installer notre atelier. Comme la journée était chaude et ensoleillée (nous étions arrivées à 14 heures ce jour-là, plus tôt que d’habitude), elle nous a suggéré de nous installer à l’extérieur. Elle nous a trouvé un bel endroit sous l’ombre, et nous nous sommes mises au travail. Les enfants, comme toujours, ont été accueillants et avaient hâte de mettre la main à la pâte !

Belle m’a demandé si j’aimerais me joindre à l’équipe de service de garde. Quand je lui ai répondu que j’étais bénévole autonome et ne voulais pas faire partie d’une ONG, elle m’a expliqué qu’elle aussi était bénévole autonome, tout comme les autres gens de son groupe. Je lui ai dit alors que, puisque c’était le cas, je pouvais m’engager pour assurer les mercredis. Nous avons échangé nos coordonnées Facebook.

Ce jour-là j’avais décidé que le thème des dessins serait « l’arbre ». J’indiquerais moi-même comment faire le tronc avec des branches nues pour que les enfants ajoutent eux-mêmes des feuilles, des fleurs et des fruits à leur guise. Je faisais mon dessin en même temps qu’eux. J’ai vite remarqué qu’ils avaient constamment besoin que je les guide et que je vérifie leurs dessins : chaque feuille, chaque fleur. Certains attendaient même que je leur dise quelle couleur utiliser – ils se sont penchés sur ces dessins pendant des heures.

Un petit garçon qui ne devait avoir que 3 ou 4 ans s’est approché de moi pour me faire manger du pain. Il était fort insistant. Je l’ai pris sur mes genoux et ai continué à dessiner. Il voulait m’aider, alors j’ai pris sa main et nous avons dessiné ensemble. Pour représenter les fleurs, j’ai fait cinq points disposés en cercle avec un autre au centre. Avec chaque point que je marquais dans le cercle, je disais « tic – tic – tic – tic – tic », et avec celui du centre, « tac ». Les enfants ont ri, et le petit me taquinait en faisant un point sur ma joue avec un crayon-feutre chaque fois que je disais « tac ».

Ce garçon habite encore dans le port du Pirée avec ses parents, qui ont deux autres enfants. Il a beaucoup grandi, et il vient me sourire à chaque visite.

Mes ateliers du mercredi ont beaucoup évolué. Je fais maintenant du tissage et du tricot avec les enfants (car ils font suffisamment de dessin avec d’autres professeurs). Je pourrai peut-être commencer à leur montrer une autre forme de dessin quand je l’aurai bien assimilé grâce à mes lectures et à mes cours de formation donnés par M. Mihalis. Mais la plupart du temps, ce sont les enfants qui me guident en ce qui concerne leurs besoins à eux. C’est comme si nous nous connaissions depuis très longtemps. J’ai beau ne parler ni arabe ni farsi, nous communiquons sur un niveau beaucoup plus profond simplement avec nos yeux.

Je suis dans ma deuxième année de formation en pédagogie Waldorf, formation offerte par la Waldorf Association. Je consulte M. Mihalis sur les questions qui surgissent dans mes ateliers. Ses conseils m’ont beaucoup aidée, et j’ai pu, grâce à ses conseils, aider beaucoup d’autres bénévoles. Je suis profondément reconnaissante de pouvoir être ainsi guidée dans mon travail.

Lorsque j’ai présenté l’atelier de tissage et de tricot au groupe de bénévoles, et que je leur ai expliqué que j’avais reçu un don d’un membre de la Waldorf Association pour acheter du matériel, Belle m’a confié qu’elle a elle-même quatre enfants « Waldorf » et qu’elle a une ferme où elle élève des alpagas et où elle pratique l’apiculture.

Mon travail commun avec le groupe de bénévoles indépendants au Pirée a lui aussi évolué. Belle a eu la brillante idée de créer un projet scolaire mobile – une « école » dans un conteneur qui peut être déplacé pour servir là où nécessaire. La première « école conteneur » se trouve actuellement derrière le hangar E1 depuis le mois d’avril. Elle sert d’espace de stockage pour notre matériel scolaire. L’espace autour du conteneur est aménagé chaque matin et chaque après-midi avec des tapis et des tables offerts par des donataires particuliers. Cela me permet de jouir d’un espace convenable pour donner mes ateliers de tissage et de tricot.

On a permis aux plus vieux d’utiliser quelques tables dans un café qui se trouve tout près, au deuxième étage d’un bâtiment du port. Là, on leur donne des cours d’anglais et de mathématiques. Ces cours sont organisés par des bénévoles, mais on trouve toujours des bénévoles parmi les réfugiés qui ont été professeurs dans leur pays d’origine et qui parlent arabe (pour les enfants syriens) ou farsi (pour les enfants afghans).

L’école se nomme ‘ Projet Schoolbox’ et ouvre ses portes tous les jours de 11 heures à 18 heures (y compris le samedi et le dimanche) et fonctionne grâce à des bénévoles de diverses origines qui viennent selon leurs disponibilités. Ils restent connectés via un groupe Facebook fermé. Ce groupe comptait une vingtaine de membres quand je m’y suis inscrite fin mars/début avril. Il compte actuellement 185 membres et le nombre d’adhérents ne cesse de grandir.

https://www.facebook.com/theschoolboxproject/

http://www.theschoolboxproject.org/

Il s’agit ici du site public. Belle a fait des démarches pour faire du projet un organisme à but non lucratif dans le but de satisfaire aux exigences légales. Pourtant, l’école sera toujours gérée sur le terrain par des bénévoles indépendants. L’organisme s’occupera de l’emplacement des conteneurs et de l’obtention des permis nécessaires pour que nous ayons accès aux camps.

Nous nous réunissons au café du port tous les mercredis à 10 heures, avant l’ouverture de l’école. Ces rencontres servent à présenter les nouveaux bénévoles, à parler des difficultés rencontrées, et à organiser les leçons extraordinaires de la semaine selon les spécialités des bénévoles présents.

Au cours de la semaine dernière, Belle a lancé en ligne une formation axée sur les soins de victimes ayant vécu des situations de trauma, et ce cours est maintenant obligatoire pour tous les bénévoles. Cette formation aidera énormément à préparer les bénévoles pour ce qu’ils trouveront ici. Elle aidera aussi ceux qui travaillent déjà à l’école à comprendre les comportements particuliers manifestés par les élèves et à les aider à rester calmes devant de tels comportements.

Certains bénévoles sur le terrain sont présents tous les jours ; d’autres, comme Vivi et moi, ne peuvent donner qu’une journée par semaine. Chaque bénévole doit acquérir lui-même les fonds nécessaires pour fournir son matériel, pour assurer son transport et ses autres dépenses.

Dans l’organisation décrite ci-dessus, je remplis le rôle de « dame du tricot et du tissage ». Voici une liste du matériel que j’utilise dans mes ateliers :

Des cerceaux (28 pouces)

Un sac contenant des bandelettes de diverses couleurs provenant de t-shirts découpés ; des ciseaux ; et un drap sur lequel s’asseoir.

L’activité de tissage encourage les enfants à compter, à mesurer, à calculer la taille des choses ; l’ouvrage est réalisé dans un mouvement de spirale en expansion et favorise la détente. Et les enfants arrivent à se concentrer, malgré le brouhaha du port avec les allées et venues incessantes de ses bateaux et ses milliers d’êtres humains campés là depuis maintenant des mois.

Nous avons créé des serviettes, des chapeaux, des paniers, et un sac à main.

Quelques-uns parmi les enfants viennent à l’atelier pour fabriquer un petit chapeau pour leur jeune sœur ou frère, ou un plus grand pour eux-mêmes. D’autres aiment tout simplement l’activité de tissage sans se soucier du résultat. Certains enfants commencent à tisser à 11 heures et continuent jusqu’à la pause de midi – et je les retrouve à mon retour vers 15 heures attendant patiemment que je leur redonne leurs cerceaux pour qu’ils puissent continuer leur ouvrage. Et ils continuent leur activité de tissage jusqu’à la fermeture !

Une chose essentielle que cet atelier apporte aux enfants, c’est le sentiment qu’ils créent eux-mêmes quelque chose de pratique qui peut servir dans leur vie quotidienne. Car il faut avouer que dans le camp, tout ce que ces individus reçoivent leur est fourni tout fait : les repas tout faits et prêts à consommer ; les médicaments arrivent préparés ; les vêtements leur sont donnés (quoique souvent de la mauvaise taille, surtout en ce qui concerne la pointure des chaussures). De cette manière, les gens perdent le sens de leur propre capacité de créer et de bâtir quelque chose d’utile pour leur propre vie ; une sorte de léthargie s’installe ; les gens se mettent à mendier pour recevoir ce dont ils ont besoin. Nous, nous créons des chapeaux, des serviettes – pas grand-chose, peut-être, mais du moins il s’agit de quelque chose de pratique que les enfants ont fabriqué eux-mêmes !

Les enfants savent très bien que je ne peux pas m’occuper de plus de 10 ou 12 élèves à la fois (en comptant le travail individuel et le tissage en groupe). Ils s’efforcent tous d’être parmi les enfants choisis pour participer, m’attendant à l’arrêt d’autobus et s’empressant de me suivre jusqu’à l’école « Schoolbox » pour pouvoir recevoir un cerceau.

En raison des vies tragiques qu’ils ont vécues jusque-là, ils souffrent d’anxiété permanente , ayant peur que je n’aie pas assez de temps pour les aider. Ils persistent, mais un sourire de ma part peut les rassurer – ils ont tellement besoin qu’on manifeste de la bonté envers eux.

Et pourtant, seule, je ne réussis pas à m’occuper de tous les enfants. Mercredi dernier, Jess, une bénévole australienne, est venue m’aider pour l’atelier de tissage. Nous avons pu faire travailler les enfants à 8 cerceaux simultanément durant la session de l’après-midi. J’ose quand même imaginer ce scénario d’une manière encore plus réussie : un bénévole pour chaque 4 cerceaux, un maximum de 8 enfants par bénévole, la formation d’un grand cercle où nous chanterions une ronde tous ensemble. J’ai même composé une chanson pour accompagner le rythme du tissage …

Il est important de noter qu’en ce camp provisoire installé au Pirée on trouve en ce moment quelque 1500 réfugiés, la plupart venus de la Syrie et de l’Afghanistan. Au mois de mars, ils étaient 4500.

Il faut aussi faire remarquer qu’il y a des enfants de tous les âges, et que leurs parents sont aussi très jeunes. Je n’ai trouvé personne qui soit âgé de plus de 35 ans. Donc, à mes yeux, ce sont tous des enfants !

Le gouvernement et les autorités ont l’intention de vider le port du Pirée sous peu pour envoyer les habitants dans d’autres installations provisoires. Il existe à Athènes deux autres sites importants : Eleonas et Ellinikos. Les conditions de vie dans ce dernier sont lamentables, et il y a beaucoup d’enfants qui n’ont accès à aucun projet scolaire organisé ! Nous avons l’intention d’y installer notre programme scolaire lorsque le port aura été entièrement vidé.

Entre-temps, les bateaux continuent à arriver des îles, pourtant avec un nombre réduit de réfugiés (entre 10 et 40 par jour). Nous recevons donc beaucoup de nouveaux élèves à notre école. Par conséquent, le nombre d’élèves ne diminue pas, mais un travail qui vise des progrès scolaires réguliers devient problématique. Nous devons réévaluer la situation au jour le jour. Beaucoup de « bonjour » et beaucoup de « au revoir », beaucoup de sourires et beaucoup de larmes (mais nous ne manifestons pas notre tristesse devant les enfants !), beaucoup de prières. Nous avons besoin de manifestations de tendresse provenant de tous les coins de la terre !

Encore une fois, nous vous remercions chaleureusement de votre intérêt et de votre générosité.

Avec notre amour le plus sincère.

Helga

 

Le projet pédagogique d’aide aux enfants et aux familles de réfugiés en Grèce en appelle à la générosité du public. Il y a deux façons d’appuyer son action :

  • En allant travailler comme bénévoles en Grèce, à Athènes et ailleurs, idéalement pendant quatre semaines, deux minimum ;
  • En appuyant financièrement Helga Natoli pour l’achat de matériel et de services éducatifs, par l’intermédiaire d’Ingrid Krause. Celle-ci lui remettra l’argent en main propre lors de son prochain voyage en Grèce. On peut la rejoindre au 450 532-3540. Son courriel : ingkrause@cooptel.qc.ca

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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