25 Mai Madame Blavatsky – instrument politique: William Kocay
Elena Petrovna Blavatsky est un personnage haut en couleur célèbre surtout comme l’auteure des livres Isis dévoilée et La Doctrine secrète, et connue également pour avoir fondé la Société théosophique à New York en 1875. Les mouvements spirituels et New Age du siècle dernier doivent certainement leur existence à l’impulsion de Mme Blavatsky. En 1916, Rudolf Steiner a parlé d’elle dans une série de conférences. Les réflexions suivantes sont fondées sur quelques-unes de ces conférences, ainsi que sur un ouvrage de Serge Prokofieff, un livre de C. G. Harrison, et deux ouvrages biographiques relatant la vie de Mme Blavatsky.
Voici quelques événements tout à fait étonnants de sa biographie. Elena Petrovna Hahn est née à Dniepropetrovsk. À l’âge de 17 ans, elle a épousé Nikifor Blavatsky en 1849, mais s’est enfuie au bout de trois mois. Elle a traversé l’Europe en donnant des récitals comme pianiste de concert. Elle a travaillé à Constantinople comme cavalière dans un cirque. Lors d’un voyage d’Athènes en route pour le Caire à bord d’un navire transportant des munitions, il y a eu une explosion, et elle s’est jetée à la mer. Elle a été parmi les quelques passagers à avoir été sauvés.
Elle a rejoint les armées de Garibaldi qui luttaient pour l’indépendance de l’Italie. Laissée pour morte sur le champ de bataille, elle a fini par récupérer. Et il y aurait plus, beaucoup plus, à raconter.
Madame Blavatsky possédait des dons exceptionnels de médium, et était en effet un des plus grands médiums de tous les temps. Rudolf Steiner raconte comment les dirigeants de certaines sociétés secrètes étaient au courant de ses pouvoirs et avaient l’intention de se servir d’elle pour faire avancer leurs propres intérêts. Mais les choses ne se sont pas passées comme ils l’espéraient. Grâce à ses dons de médium, Mme Blavatsky avait accès à de nombreux secrets du monde spirituel, des secrets dont certaines fraternités occultes occidentales n’avaient que des connaissances traditionnelles. Ils voulaient se servir de ses dons. Comme exemple, nous pouvons citer quelques sociétés secrètes anglaises qui cherchaient à établir la supériorité de la race anglo-saxonne, qui serait appelée à devenir la race « indispensable » (est-ce un pur hasard que ce concept refait surface depuis quelques années ?) Ces sociétés voulaient faire de l’anglais la langue universelle, comme le latin l’avait été dans l’antiquité romaine. Leur but était d’assujettir la terre entière à la domination anglaise. La Russie et les pays slaves étaient surtout ciblés pour être réduits à un état de vassalité. Comme ces sociétés étaient au courant des dons remarquables de Mme Blavatsky, ils voulaient la contraindre à produire une connaissance spirituelle sélective pour appuyer leur programme. Elle devait donc être « une voyante indépendante » qui n’annoncerait que des visions, prévisions et pronostics cueillis dans le monde spirituel qui soutenaient opportunément le programme de ces sociétés secrètes. Mais, refusant d’être domptée, elle les a quittés pour rejoindre une loge supérieure à Paris, où elle a exigé qu’on l’accepte comme membre de l’ordre, car elle savait beaucoup de choses et nourrissait ses propres ambitions. Là aussi, on l’a rejetée, car les membres de la loge savaient très bien que les connaissances qu’elle divulguerait détruiraient leur programme et la loge elle-même. Selon Rudolf Steiner, si on l’avait acceptée, le cours de l’histoire aurait été autre – bien des personnages sur le point d’être célèbres n’auraient jamais pu assumer les rôles qu’ils ont fini par jouer. (Les sociétés secrètes de nos jours se servent des mêmes méthodes. Lorsque, quelque peu sinistrement, les prévisions de voyants actuels semblent s’avérer vraies, ces voyants seraient peut-être, et je dis peut-être, au service de ces mêmes sociétés).
Elle est partie ensuite pour l’Amérique, où elle est devenue membre d’une société secrète américaine. Là, elle a acquis beaucoup d’autres connaissances secrètes, bien plus que les membres du cercle ne pouvaient lui transmettre, car elle apprenait spontanément, intuitivement. Les enseignements donnés par les membres de la société secrète ont déclenché indirectement en elle des connaissances spontanées d’un niveau encore supérieur. Encore une fois, son caractère entêté et indépendant a gêné le programme politique de l’ordre, et elle s’est fait expulser. Mais que faire des connaissances secrètes qu’elle avait acquises ? Si elle révélait tout, l’existence des fraternités secrètes serait exposée au grand jour et elles seraient détruites. Une rencontre des directeurs des fraternités occultes anglaises et américaines a donc été organisée pour décider comment agir par rapport à Mme Blavatsky. Ils ont choisi une méthode assez inhabituelle et rarement pratiquée, « l’emprisonnement occulte ». Par le biais de magie cérémoniale, ils ont jeté un sort à Mme Blavatsky, un sort qui l’empêchait de révéler ses connaissances occultes. Elle a donc vécu sous l’emprise de cet ensorcellement pendant plusieurs années, en proie à des visions fantastiques chaotiques, sa conscience ayant été assombrie.
Et c’est alors que les « mahatmas » de l’Inde sont entrés en jeu, car il y a aussi des sociétés secrètes en Inde (peut-être même là plus qu’ailleurs). Tout comme les loges de l’Ouest, ces cercles secrets veillent à leurs propres intérêts. Des noms tels que Morya et Kut Humi sont liés à ces gourous. Ayant pris connaissance de Mme Blavatsky et de la situation dans laquelle elle se trouvait, des maîtres orientaux se sont adressés aux fraternités occidentales qui l’avaient emprisonnée. Eux aussi voulaient se servir d’elle pour promouvoir leurs propres intérêts, et devaient pour cela la délivrer de son ensorcellement. Les fraternités occidentales ont accepté d’obtempérer pourvu que Mme Blavatsky les laisse en paix. Et quel était le programme de ces sociétés occultes de l’Inde ? Selon Rudolf Steiner, ils voulaient se venger du monde occidental pour avoir refoulé l’occultisme oriental. Dans une lettre adressée au Colonel Olcott, Blavatsky a écrit : « Remercions le destin que lui, qui voit plus clair que n’importe qui, et malgré le fait que nous appartenons à la race blanche qu’il déteste et méprise, fait pour nous une exception particulière; car nous lui vouons une ardente dévotion et, peut-être encore plus important, nous nourrissons une sympathie des plus sincères pour son peuple et un grand respect pour son pays. »
Ses dons de médium rendaient facile la communication télépathique. Et c’est grâce à ce processus que les gourous orientaux lui ont dicté le livre Isis dévoilée, qu’elle a écrit à New York. La Société théosophique a adopté donc une orientation nettement orientaliste – anti-chrétien, anti-juif, anti-biblique. Et son ouvrage ultérieur, La Doctrine secrète, a été rédigé de la même manière.
Quels sont donc ces « mahatmas » ? On raconte que Morya est un descendant de la royauté Punjabi, et que Kut Humi est originaire du Cachmire. Selon le Colonel Olcott, c’était l’individualité d’un corsaire redouté du 17 siècle nommé John King qui vivait dans l’être de Kut Humi. Mais, Olcott est ensuite arrivé à la conclusion que John King était une personnalité inventée que Kut Humi aurait endossée pour se déguiser. E. F. Pisareva, un adepte de Blavatsky, raconte que Morya et Kut Humi étaient membres d’une loge spirituelle située près de Shigatse, à la frontière entre la Chine et le Tibet. Or, tous les membres de la loge, à part ces deux, désapprouvaient l’utilisation de Mme Blavatsky pour promouvoir leur programme. Et pourtant, tous ont donné leur consentement pour permettre, à titre expérimental, l’existence de la Société théosophique.
Mme Blavatsky ignorait la source des communications télépathiques qu’elle recevait, qui, dit-on, provenait de Kut Humi. Harrison prétend que celui-ci était un scélérat à la solde du gouvernement de la Russie. (Est-ce que Harrison, en faisant cette allégation, n’était pas en train de promouvoir le programme anti-russe ?). Rudolf Steiner affirme que, à l’insu de Mme Blavatsky, Kut Humi a été remplacé, grâce à des machinations, par un être qui agissait comme espion pour une société secrète. Celui-ci pouvait se tenir à l’arrière-plan, inaperçu, et réaliser ses objectifs à travers Mme Blavatsky. Ailleurs, Rudolf Steiner dit qu’un individu caché, un mahatma se tenant derrière un masque, avait remplacé le maître originel de Mme Blavatsky, et que cet individu était au service d’une puissance européenne. Nous voyons donc que différentes organisations rivalisaient pour utiliser les dons uniques de Mme Blavatsky dans le but de favoriser leurs propres programmes.
La pratique du channeling a été poursuivie au sein de la Société théosophique, par Alice Bailey. Elle est devenue l’instrument par lequel un autre « mahatma » appelé Djwal Khul a fait écrire par channeling de nombreux livres. Alors, quand vous tombez sur des écrits dictés par le channeling, que ce soit des livres ou des blogues, demandez-vous quelle en est la véritable source, et au service de quels intérêts.
Sources. Rudolf Steiner : The Occult Movement in the 19th Century, GA 254; Spiritualism, Mme Blavatsky, and Theosophy; The Karma of Untruthfulness, vol. 1; Serge Prokofieff : The East in the Light of the West, chapitres 1 à 3; C. G. Harrison : The Transcendental Universe; Jean Overton Fuller : Blavatsky and Her Teachers; John Symonds :The Lady with the Magic Eyes.
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