23 Oct NÉCROLOGIE – Souvenirs de Léon René de Cotret – Chantal Lemothe
Je suis heureuse aujourd’hui de vous parler du départ de mon amoureux, de mon compagnon de vie, Léon. Il nous a quitté paisiblement, sereinement comme il le souhaitait, chez lui, entouré des siens, le vendredi 3 juin 2016.
On ne peut parler de Léon sans parler de la passion pour la vie. Toujours aller plus loin, repousser les limites. Que ce soit en parachute, dans les grands rapides en canot, dans la construction d’une école Waldorf, tenter de convertir sa voiture afin qu’elle roule à l’huile à patates frites (bien avant que la mode existe)… devenir agriculteur et cultiver le meilleur ail biodynamique. La vie était pour lui une rencontre de passion. Pour moi, il était M. Bonheur.
Chercheur, Léon s’intéresse à tout, les gens, les phénomènes, la vie…
Bien sûr, journaliste, il a aimé questionner, chercher, apprendre, découvrir, faire découvrir. Mais encore plus, il avait soif de comprendre l’incompréhensible. Il voulait lever le voile sur les mystères. Ce qu’il y a avant la vie, ce qu’il y a après la vie. Ce qu’il y a autour de la vie, le visible et l’invisible. Il osait dire… nommer… demander. En ce sens, les écrits de R. Steiner ont été une source de bonheur, de réflexions, mais aussi de grands questionnements.
Il était aussi un papa engagé. Il vivait heureux de cette responsabilité de faire grandir ses enfants vers le bonheur et vers leur vérité. En ce sens, l’école Waldorf pour ses deux enfants Samuel et Isa, a été pour lui, une source d’inspiration. Il a dit avec une grande fierté que sa conjointe était un professeur Waldorf…
Pendant 2 ans, il a vécu avec ce diagnostic de SLA (sclérose latérale amyotrophique), connu aussi sous le nom de la maladie de Lou Gehrig. Avec cette maladie, il savait que doucement, il deviendrait prisonnier de son corps. Ce fut un grand défi pour lui qui a toujours une force de vie si grande. Quel contraste pour lui de cohabiter avec la maladie. Puis, petit à petit, cette maladie est devenue une façon d’apprivoiser l’inconnu. Dès le début, il disait, je n’ai pas peur de mourir… mais je ne sais pas comment je vivrai de perdre mon autonomie.
Aujourd’hui, j’oserais dire que pendant les deux dernières années où la maladie a progressé, c’est comme s’il avait accepté d’aller rencontrer l’opposé de lui-même. Le côté où le bonheur n’est pas au rendez-vous, ou la passion n’a pas sa place, ou la défaite tente de tout engloutir ce qui avant, était si lumineux, où la solitude vous tient compagnie. Oser être seul avec soi-même. Se rencontrer dans son opposé. Pour le M. Bonheur qu’il était, il a osé vivre le malheur, la tristesse, le découragement. Pour le grand communicateur qu’il était, il a vécu le silence de la parole. Comme il semblait avoir de grandes réflexions qu’il ne pouvait plus partager vraiment. Pour lui qui adorait les gens, le social, les échanges, il a vécu la solitude et même parfois le renfermement. Pour le grand autonome, indépendant qu’il était, il a dû vivre la dépendance. Accepter que l’on fasse pour lui…
Quelques semaines avant son départ, quand un ami lui a demandé où il en était avec la souffrance. Il a répondu, je la cultive en moi pour apprendre l’humilité (car je n’ai pas tant souffert dans ma vie), j’apprends la compassion pour ma prochaine incarnation ou dans ce qui sera pour moi.
La mort aura été présente toutes ces dernières années dans sa vie sans jamais la critiquer. Léon qui veut toujours faire les choses à sa façon et en général par lui-même, a accepté chacun des intervenants avec un accueil du fond du cœur. Et j’oserais dire, par tellement de témoignages reçus, il a touché chacun d’eux.
Même dans cette dernière étape de vie, il a ouvert un chemin pour plusieurs d’entre nous. Le chemin de s’ouvrir à la mort, de s’ouvrir à la vie dans la mort. Sa maladie a fait en sorte qu’un réseau d’amour s’est créé autour de lui, de nous sa famille. Que ce soit par des repas, des mots, des parties d’échecs, des services rendus, des corvées de travail, des chants et tant et tant d’autres choses, Léon a rassemblé tout ces gens autour de lui et surtout autour de la mort qu’il apprivoisait. Je ne saurais dire à tous ces gens ma profonde reconnaissance pour l’enveloppe d’amour que tous ces proches nous ont offerts.
Lors de cette dernière année de vie de Léon, notre fille Isa nous a annoncé la venue d’un enfant. Léon a longtemps espéré être là pour l’accueillir et avoir le grand privilège de le prendre dans ses bras quelques fois. Puis il nous a convaincu que s’il ne serait pas là sur terre pour le bercer, il serait au premier rang pour cet échange des êtres qui viennent de quitter la terre et ceux qui viennent en sens contraire s’incarner. Élio, son premier petit-fils est né 9 jours après son décès.
J’ai la profonde conviction qu’ils se sont croisés et que ce petit enfant a pu sentir l’essence de son grand-papa, un être de profondeur.
Au revoir Léon
Je t’aime
Chantal
Ce poème est rempli du sens que Léon donnait à la mort… lui qui aimait tellement la voile.
Je suis debout au bord de la plage. Un voilier passe dans la brise du matin, et part vers l’océan.
Il est la beauté, il est la vie.
Je le regarde jusqu’à ce qu’il disparaisse à l’horizon.
Quelqu’un à mon côté dit : « il est parti !»
Parti vers où ? Parti de mon regard, c’est tout !
Son mât est toujours aussi haut, sa coque a toujours la force de porter sa charge humaine.
Sa disparition totale de ma vue est en moi, pas en lui.
Et juste au moment où quelqu’un près de moi dit : «il est parti !» il en est d’autres qui le voyant poindre à l’horizon et venir vers eux s’exclament avec joie : «Le voilà !»
C’est ça la mort ! Il n’y a pas de morts. Il y a des vivants sur les deux rives.
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