Nécrologie – PETER VON ZEZSCHWITZ : 18 MARS 1926 – 20 AOÛT 2016

Nécrologie – PETER VON ZEZSCHWITZ : 18 MARS 1926 – 20 AOÛT 2016

Peter von Zezschwitz a quitté le monde terrestre dans sa 91e année le 20 août 2016 à l’hôpital Durham à la suite d’une insuffisance rénale et d’une pneumonie. Il avait été obligé de passer les dernières années de sa vie en fauteuil roulant dans un hospice. Les murs de sa chambre étaient ornés de trois énormes tableaux créés par lui-même à l’ordinateur : images assez sombres où figuraient des labyrinthes de racines et de branches. Il y avait en plus une photo de groupe de Peter entouré d’étudiants chinois qui avaient accueilli avec enthousiasme tout ce qu’il leur a apporté au sujet de la pédagogie Waldorf, de la théorie des couleurs de Goethe et des deux enfants Jésus. Et il y avait en plus une lettre racontant toutes les nouvelles de l’illustre famille von Zezschwitz.

 

Peter est né le 18 mars 1926 à Hambourg, en Allemagne (il était le deuxième de quatre enfants). Ses parents l’ont envoyé à l’école Waldorf pendant plus ou moins deux ans. Là, le travail avec les couleurs a fait sur lui une profonde impression. C’était une semence destinée à s’épanouir plus tard. Son grand-père, qu’il adorait, avait pris la défense de Ludendorff suivant la tentative de coup d’État contre Hitler en 1923. Son père était chimiste, et s’intéressait fortement à l’agriculture. Aurait-il suggéré à Peter de choisir la carrière d’agriculteur ou celle de militaire ? Dans tous les cas, Peter voulait entrer dans l’armée de l’air, mais a abouti dans l’infanterie à l’âge de 17 ans. Il a failli perdre la vie près de Breslau lors de la retraite de l’armée allemande de l’Italie. La boucle de sa ceinture lui a sauvé la vie… Le destin l’avait épargné pour sa tâche future.

 

Suivant la guerre, alors âgé de 19 ans, il a pris la décision de se former en arts graphiques à Hambourg. En 1945, il a évité le service militaire dans le Bundeswehr (l’armée allemande nouvellement reconfigurée) en émigrant au Canada. Il en avait eu assez de la guerre. Du point de vue ésotérique, on peut voir ce geste comme celui du développement de l’âme de conscience et le fondement de son lien avec l’anthroposophie. Ici au Canada, dans les années 50, il a trouvé la liberté de poursuivre une carrière dans le domaine des arts graphiques qu’il a fini par enseigner au Georgian College à Barrie, en Ontario. Quel exploit pour quelqu’un qui n’avait même pas terminé l’école secondaire ! Grâce à sa qualité de professeur, il a pu apporter l’anthroposophie au sein d’un collège communautaire. Il était un pédagogue né et possédait une nature hautement artistique. Aucun compromis ! Il m’arrive encore de rencontrer de ses anciens élèves qui parlent avec enthousiasme de la méthode d’enseignement de Peter. Ses collègues du département reconnaissaient qu’il apportait quelque chose d’unique et ils admiraient son talent. Pourtant, le logo qu’il avait conçu pour le collège n’a pas été retenu pour des raisons de politique et de bureaucratie.

 

Il était imbu d’un profond sens de responsabilité envers l’anthroposophie. Vers la fin des années 80, c’est lui qui a réalisé tout le travail graphique pour l’exposition « Anthroposophy at Work » montée à la bibliothèque Metro Toronto Reference Library avec la collaboration de Barbara Guenther et Ernst Katz. L’événement a connu un énorme succès. Il a aussi conçu une police typographique pour la Société anthroposophique (qui n’a jamais été utilisée), donné des conférences, animé des groupes d’études pendant des années, et a rédigé un résumé de ses propres recherches sur la géométrie sacrée du second Goethéanum.

 

Sa créativité s’est surtout révélée dans le domaine des arts graphiques (et pendant ses dernières années dans celui des images miroirs réalisées à l’ordinateur), ainsi que dans les domaines de l’architecture et de la conception de logos. Mais elle se révélait également dans des choses tout à fait pratiques telles que le jardinage et la rénovation de maisons.

 

Lorsqu’il était âgé de plus de quatre-vingts ans, il a eu une nouvelle inspiration qui l’a amené en Chine pour appuyer une initiative Waldorf à Chengdu. On l’a reçu là-bas avec chaleur et ouverture d’esprit. Un de ses plus beaux souvenirs était celui du sentiment d’émerveillement et de vénération manifesté par les étudiants en formation devant la spirale de l’avent.

 

Peter a appris à « dire la vérité » sans peur des réactions. Sa vérité se heurtait parfois à d’autres vérités, et dans ses dernières années, en raison de sa sclérose, ses idées pouvaient s’endurcir – surtout en ce qui concerne des sujets traitant de la Deuxième Guerre mondiale. Cet état des choses rendait les conversations difficiles et a provoqué de l’isolement. Mais il a toujours conservé un cercle d’amis. Il était un leader, un professeur, un artiste, un anthroposophe – un être humain qui était toujours en processus de devenir. Il laisse dans le deuil une fille, Cora, fruit de son premier mariage avec Marlene, et un fils, Jonas, issu de son second mariage avec Grace.

 

Peter, merci d’être !

 

Werner Fabian, médecin.

 

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