Rencontre et Échanges sur le Thème de l’Antéchrist

Rencontre et Échanges sur le Thème de l’Antéchrist

– de Renée Cossette[1]
Une douzaine d’anthroposophes se sont rencontrés le 26 avril dernier en Estrie. Ces personnes voulaient, après la lecture convenue de deux textes[2], échanger librement leurs impressions sur le thème de l’Antéchrist.
La figure de l’Antéchrist
Vladimir Soloviev (1853-1900) et Fyodor Dostoievski (1821-1881) sont très liés bien qu’une trentaine d’années les sépare.  La Russie porte la conscience spirituelle, celle-ci doit s’incarner dans la société.  L’incarnation de cette conscience, c’est l’Antéchrist qui en est une contre image.  La Sophia russe – c’est l’être humain -, qui par son développement intérieur, devient spirituel.


Dans le texte respectif de ces deux auteurs, l’Antéchrist est toujours l’inquisiteur, celui qui veut apporter le bonheur, mais qui veut aussi limiter la liberté. De nos jours, lorsqu’on veut offrir le revenu minimum inconditionnel à chacun, n’est-ce pas un vœu de cet ordre?  Également dans ces mêmes textes, celui-ci qui tient lieu d’Antéchrist reste un être humain (et non un dieu), car il fuit et il « meurt » lorsque démasqué par la conscience de l’être humain.

L’Antéchrist, est-ce nous qui – par nos pensées – le créons?  L’appelons?  On peut se sentir victime.  Est-ce que l’Antéchrist est important pour l’évolution humaine?

En 1914, Morgenstern dit que le lieu où l’esprit s’exprime le plus, c’est dans le langage.  Lorsqu’on  parle plusieurs langues, on sait que chacune a son esprit, a son génie.

Être christique
Il est dit que le Christ apporte le glaive.  Le glaive ne serait-il pas la conscience?  Le Christ n’apporte pas la division, mais la conscience de la division.  En Occident, on a imposé le Christ par le glaive (pensons aux Templiers).   L’Occident  signifie occire).  Le Christ a apporté la liberté et le combat (intérieur) pour la liberté.   Dans une de ses conférences, Rudolf Steiner dit : quand le Christ est mort, tout le monde spirituel est devenu stressé.  Mais chaque fois que l’on dit : Le Christ en moi, on apporte de la lumière au monde spirituel. 

Le Christ est descendu du Devachan, puis s’est manifesté dans le Logos, et il s’est incarné dans la matière où il s’est fait Homme.  Nous avons maintenant en devenir trois qualités dans le lotus du cœur : la compassion, l’amour et la force morale.

L’Incarnation attendue d’Ahriman
L’Inquisiteur se montre fort dans l’injonction,  dans le dogmatisme.  De nos jours, ce dogmatisme se manifeste dans :
Ø  L’Église
Ø  Les pensées toutes faites (les clichés).
Ø  La publicité
Ø  Le langage (la langue de bois, les définitions, etc.)

Le plus sournois – et qui est souvent véhiculé par le langage – c’est le problème du mal.  Il prend une forme et souvent celle du bien.  Dans le Faust de Goethe, on retrouve cette phrase où on demande à Méphistophélès : qui es-tu?  Il répond : Une partie de cette force qui toujours veut le mal et toujours crée le bien.  En fait, le bien est détourné de son but.  On risque ainsi de facilement basculer du bien vers le mal.  Les arts ainsi que la méditation peuvent sauvegarder cet équilibre; cet équilibre à conserver entre Lucifer et Ahriman.  La lutte entre le bien et le mal se joue aussi au niveau cosmique. 

L’Antéchrist a un rôle : celui de nous empêcher d’accéder au spirituel, mais être christique, c’est d’assumer sa liberté en tant qu’être humain avec toutes les conséquences. Chacun de nos « moi » appartient au Christ.  L’homme est appelé â être la 10e hiérarchie.  Il est appelé aussi à « rédimer» ces deux êtres que sont Lucifer et Ahriman.  Si on les élimine, on tombe dans la béatitude, mais ce n’est pas de la liberté.  Ahriman et Lucifer se lancent des projectiles, mais il y a, tout au centre, un petit espace cubique de liberté.  La réponse au mal est au niveau du spirituel.  Être plongé dans le monde, mais tenter de ne pas tomber dans ses travers.  Le fait d’avoir vécu au XXe siècle, on est tous malades.  Mais comment transformer le mal en bien?
Ø  En faisant appel au pardon
Ø  En s’adonnant à des actions d’équilibre (cf. les arts, méditation, etc.)
Ø  En cherchant l’équilibre entre Lucifer et Ahriman (cf. Le représentant de l’Humanité).
Les dieux ont eu besoin d’Ahriman.  On prévoit son incarnation dans le monde matériel d’ici 100 ans.  On est dans la négation de l’esprit; de nos jours, on s’identifie grandement au corps physique. Hubert Reeves finit sa conférence en disant : 400,000 milliards d’atomes vous parlent. Heureusement, qu’on a un écrivain comme Christian Bobin qui rapporte qu’il écrit pour sauver l’âme qui actuellement s’en va. On ne prend pas conscience de notre réalité, si on ne vit pas les conséquences de l’absence de l’esprit.
Actuellement Ahriman prend la relève de Lucifer.  Sorath viendra ultérieurement et il sera l’Antéchrist, mais il aurait cependant commencé à agir et les signes en sont les suivants :
Ø  La pensée abstraite et la vision mécanique de l’univers.
Ø  Le spirituel confiné dans les bibliothèques.
Ø  La survalorisation des chiffres (cf. les statistiques), permettant ainsi de manipuler les opinions.
Ø  Agir sans motif (ne pas avoir trouvé de sens à ce que l’on fait).
Ø  La dysharmonie dans les groupes humains.
Ø  L’interprétation mécaniste des Évangiles.
Ø  Les écoles fondées sur les arts divinatoires (spiritisme – hallucination).

Ces sept éléments sont tirés d’un article en allemand de Schroeder qui  se réfère à Rudolf Steiner.


[1] Je n’ai que le mérite d’avoir pris des notes et de les rapporter ici sous des enseignes thématiques.
[2] Soloviev, V. Introduction et choix de textes, Michaud, Paris, 1910 et  Dostoievski, F., Le grand inquisiteur, paru dans la Revue contemporaine, 1886.
   
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