Se connaître – notre communauté de membres Une entrevue avec John Bach, apiculteur Susan Koppersmith 

Se connaître – notre communauté de membres Une entrevue avec John Bach, apiculteur Susan Koppersmith 

Susan : John, nous nous sommes vus la dernière fois lors de l’AGA de 2020 à Vancouver, qui a été tenue en ligne à cause de la pandémie. Vous nous avez offert une présentation Zoom très vivante décrivant votre travail avec les abeilles chez vous à Princeton, en Colombie-Britannique. Comment va votre travail d’apiculteur depuis cette présentation ?

 

John : Or, à l’automne de la même année, il s’est produit une crise dans mes colonies d’abeilles. Il y avait quelque chose qui ne fonctionnait pas dans les ruches, et je ne comprenais pas ce qui se passait. L’apiculture est un art compliqué, et si un seul élément ne fonctionne pas comme il faut, on risque de perdre toute la colonie.

 

À la fin de novembre de 2020, j’avais perdu la totalité de mes abeilles ! Leurs dépouilles étaient maigres et rachitiques – desséchées. Quelle en était la cause ? Un manque d’oxygène dans les ruches ? Une infestation de varroas ? Je ne savais pas du tout. À l’automne, le miel se mélange au pollen pour constituer le pain d’abeilles qui sert à nourrir et engraisser les abeilles pour qu’elles puissent survivre pendant l’hiver. Mes abeilles ont sûrement reçu suffisamment d’alimentation, mais elles étaient mortes. Qu’est-ce qui a fait que les choses ont mal tourné ? Jusque-là, toutes mes méthodes avaient réussi à tenir les abeilles en santé. Je me suis regardé dans le miroir, et me suis demandé si je devais continuer. Est-ce que l’apiculture ne faisait plus partie de mon karma ?

 

Pendant 4 mois, fin 2020 et début 2021, j’étais dans un état d’esprit très sombre. Je passais des heures devant l’écran d’ordinateur à regarder des vidéos offertes sur YouTube par des apiculteurs qui expliquaient leurs techniques. Il ne s’agissait pas d’apiculteurs biodynamiques, mais d’apiculteurs commerciaux. Comme ils ne peuvent pas se permettre d’essuyer des pertes, beaucoup des méthodes qu’ils utilisent sont bonnes. Parfois, je visionnais la même vidéo 3 fois de suite à l’affût d’indices. 

 

Susan : Avez-vous fini par renoncer ? Est-ce que le moment était venu de minimiser les pertes et d’entreprendre autre chose ?

 

John : Eh bien, il y avait quelque chose en moi qui me disait qu’il fallait que je n’abandonne pas et qu’il fallait que je cohabite avec mon désespoir pendant 4 mois. Il m’est venu à l’esprit qu’il pouvait s’agir d’un problème d’alimentation. Est-ce cela aurait à voir avec la cueillette de pollen de l’été précédent ? Il y avait peut-être eu un manque de pollen à l’été, entraînant à l’automne une carence en protéines dans l’alimentation des abeilles. Cela aurait affecté aussi la capacité de la reine à produire des œufs. 

 

C’est donc au printemps 2021 que j’ai décidé de faire une ultime tentative, et j’ai acheté 10 colonies d’abeilles. J’ai commencé tout de suite par donner aux abeilles des suppléments de protéines. Je me suis procuré des semences de canola, que j’ai semées par 3 fois durant la saison pour assurer une quantité suffisante de pollen. 

 

Les 10 colonies initiales ont fini par devenir 24; l’été dernier, mes abeilles ont prospéré ! Je n’en avais jamais élevé autant. Il est devenu évident que la qualité de l’alimentation des abeilles avait été mon problème fondamental. Je n’avais pas réussi à préserver mes abeilles pendant l’hiver en raison du manque de pollen; les abeilles plus vieilles n’ont pas survécu, et il n’y avait pas d’abeilles d’hiver pour pouvoir garder la colonie en vie.

 

Depuis cette expérience de perte, je suis devenu un bien meilleur apiculteur. Je ne suis quand même pas sûr que ce qui a fonctionné par le passé réussira à l’avenir. Je suis plus attentif maintenant aux changements subtils que j’observe chez mes abeilles. C’est peut-être là la leçon essentielle que je retire de cette expérience. 

 

En plus, on a vécu récemment des inondations en Colombie-Britannique; je me suis levé un matin pour trouver mes abeilles dans l’eau ! Voilà qu’une nouvelle catastrophe me tombait dessus !  J’ai rapidement déplacé les colonies pour les installer sur un terrain plus élevé, et l’eau qui couvrait mon terrain s’est peu à peu retirée. Heureusement, mes abeilles s’en sont sorties indemnes. 

 

Susan : L’histoire que vous venez de nous raconter est d’un grand intérêt, d’autant plus qu’elle s’inscrit dans l’esprit du thème de notre prochain numéro de la revue Perspectives : « Du désespoir à l’action ». Nous y évoquons l’incendie du premier Goethéanum et la manière dont Rudolf Steiner a réussi à inspirer ceux qui l’entouraient, les incitant à tourner leur regard vers l’avenir. Il leur a dit que s’ils arrivaient à métamorphoser ce désespoir en courage pour faire avancer les projets déjà entamés, alors l’événement douloureux pouvait être transformé en bénédiction. On peut ressentir que vous avez vécu quelque chose de semblable dans votre travail d’apiculteur.

 

Merci, John, de nous avoir accordé de votre temps !

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