Le rapport intime de la Sophia avec l’Esprit saint

Le rapport intime de la Sophia avec l’Esprit saint

Le caractère traditionnel chinois « Ming » (明) consiste en une représentation du soleil à gauche et de la lune à droite :

Il signifie à la fois « lumière » et « sagesse ». Ne comprend-on donc pas grâce à ce caractère que l’ancienne sagesse chinoise indiquait que lumière et sagesse sont étroitement reliées?

« Ming » apparaît de manière presque littérale dans la Bible à au moins deux occasions : une fois au tout début et l’autre, près de la fin. Dans le livre de la Genèse, nous trouvons indiqué que la séparation du soleil et de la lune a eu lieu lors du quatrième jour de la création. En effet, c’est là qu’on voit raconté explicitement pour la première fois que la lumière s’est faite sur la terre :

« … Dieu fit les deux grands luminaires, le plus grand luminaire pour présider au jour, et le plus petit luminaire pour présider à la nuit… et pour séparer la lumière d’avec les ténèbres… »

Ainsi voyons-nous la première apparition explicite de « Ming » dans la Bible : la lumière du soleil et de la lune qui éclaire la Terre. Et nous apprenons également, comme l’explique Rudolf Steiner dans le cycle sur « La Genèse » (GA 122), que cette lumière sacrée, qui a toujours été gardée séparée des ténèbres, était l’œuvre directe de l’Esprit saint – appelé dans la Genèse, en hébreu, les « Ruach Élohim ».

Ensuite, « Ming » apparaît explicitement une  deuxième fois, si ce n’est pas plus tôt ailleurs, dans le 12echapitre du livre de l’Apocalypse, dans l’image sublime que Jean nous dépeint de la femme vêtue du soleil. Là nous lisons :

« Un grand signe apparut dans le ciel : une femme vêtue du soleil, la lune sous ses pieds, et sur sa tête une couronne de douze étoiles. Elle était enceinte et criait dans le travail et les douleurs de l’enfantement… Et elle mit au monde un fils, en enfant mâle. C’est lui qui doit mener paître toutes les nations avec une verge de fer. »

Nous savons que la femme de cette vision mystique est en fait la Sophia, l’entité divine qui porte la sagesse féminine. En rapprochant ainsi ces deux apparitions de « Ming » dans la Bible, nous pouvons pressentir le lien intime qui unit l’Esprit saint et la Sophia. La lumière extérieure du livre de la Genèsese transforme en lumière intérieure dans l’Apocalypse. Et entre ces deux moments de l’évolution de la Terre, se tient le Mystère du Golgotha, là où le Christ s’est uni à la Terre, opérant ainsi la transformation de la lumière extérieure en lumière intérieure de la sagesse divine de l’âme humaine.

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Et la Sophia et l’Esprit saint ont comme tâche de rétablir l’unité entre les choses, comme pourront le démontrer les considérations suivantes.

Dans le cycle de conférences sur la Légende du Temple, plus précisément dans les 17eet 18econférences, Rudolf Steiner décrit comment la sagesse fémininea été transférée à l’être humain. Il s’agit de la sagesse accordée à l’origine à Caïn, lui permettant de « recevoir, écouter, observer – accueillir ce qui existe autour de soi », lui permettant de labourer la terre, c’est-à-dire de travailler de toutes ses forces pour pouvoir comprendrece qui lui avait été donné. Ainsi, fort de la sagesse féminine en lui et grâce à sa volonté physique d’être humain, il a fait que toute l’humanité puisse travailler à transformer le monde terrestre.

En suivant les indications de Rudolf Steiner dans La Philosophie de la liberté, nous pouvons faire une expérience intime de cette sagesse féminine. Il s’agit précisément de l’activité de la pensée, qui fait apparaître les concepts pour réunir la multiplicité des percepts. Sans la pensée, le monde entier perçu par l’être humain lui semblerait n’être qu’un amas chaotique de percepts qui lui seraient totalement inutilisables. C’est grâce à la pensée qu’il donne du sens au monde, qui sans cela resterait un chaos incompréhensible.

C’est ainsi que dans le penser pur, là où le monde de nos percepts s’est libéré du monde des péchés, c’est-à-dire le monde terrestre, les percepts deviennent le produit d’un penser qui est conscient de lui-même. Et dans un tel penser, nous pouvons faire l’expérience de la manière dont la Divine Sophia agit en nous. Ainsi, notre penser acquiert de la « vie concrète » à partir de notre sentiment.

Le monde chaotique, décousu des pensées, c’est la maladiede Dieu le Père, comme nous l’enseigne l’office de la Consécration de l’homme(de la Communauté des chrétiens), et nous pouvons devenir conscients de cette maladie de l’activité humaine. Mais nous pouvons en même temps faire l’expérience de l’activité du Christ en nous si nous participons avec Lui lorsqu’il « reçoit le monde des mains du Père, et lui apporte la guérisongrâce à l’Esprit saint, dans tous les cycles du temps à venir ». C’est ainsi que lorsque nous prononçons de manière authentique les paroles de Paul : « Pas moi, mais le Christ en moi », nous pouvons agir à partir de l’Esprit saint pour guérir cette maladie du Père. Et les paroles de L’Acte de la Consécration de l’Hommepoursuivent en implorant « Que notre pensée vive dans la vie de l’Esprit saintdans tous les cycles des temps à venir ».

Encore une fois nous pouvons pressentir le lien qui existe entre la Sophia et l’Esprit guérisseur.

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À un endroit, Rudolf Steiner a décrit l’Esprit saint comme étant « Lucifer racheté ». Nous comprenons qu’ici cela fait référence à Lucifer comme étant à l’origine du chaos et de la confusion de notre monde.

Mais encore une fois, nous pouvons ressentir comment la Divine Sophia, sagesse féminine, grâce à son activité guérissante qui rétablit l’intégrité du monde, rachète Lucifer et s’avère par là intimement reliée à l’Esprit saint. La meilleure illustration de ce lien est peut-être celle que l’on retrouve dans l’ancien art japonais du « kintsukuroi », comme on peut l’observer dans cette image trouvée sur internet : « l’art de réparer la poterie en utilisant une laque faite à partir d’or ou d’argent et la compréhension que la pièce ainsi réparée a gagné en beauté du fait d’avoir été brisée et réparée ».

Les morceaux brisés sont l’œuvre de Lucifer, mais les morceaux recollés sont l’œuvre de Sophia – autrement dit, du Lucifer racheté.

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Pourquoi la sagesse divine existerait-elle si ce n’était pas en fonction de l’être humain? En soulevant cette question, j’ose suggérer qu’Anthroposophia, l’être de « la sagesse de l’être humain », n’est nulle autre que la Sophia elle-même. Dans son cycle sur l’histoire et les exigences du mouvement anthroposophique vis-à-vis la Société anthroposophique (GA 258), Rudolf Steiner nous explique que l’être Anthroposophiaest en train de vivre son étape humaine parmi nous comme une personne réelle, mais invisible, pour nous guider :

« Anthroposophia est en vérité une personne invisible qui se meut parmi les êtres humains visibles et pour laquelle nous devons témoigner la plus grande responsabilité aussi longtemps que nous resterons un groupe restreint d’individus. Il faut comprendre Anthroposophia comme étant une personne invisible, quelqu’un qui jouit d’une réelle existence, que l’on devrait consulter dans le déroulement de nos vies quotidiennes… Qu’Anthroposophia soit reconnue comme étant une véritable personne est une condition essentielle pour qu’elle puisse exister. Il ne sera permis qu’Elle meure que lorsque le nombre de ses suivants se sera suffisamment augmenté. »

Comme Rudolf Steiner nous l’a indiqué dans ses conférences sur la Divine Isis (par exemple dans le GA 202), la Divine Isis est en fait la Sophia. Nous voyons donc le lien direct avec ce que Steiner a dit à propos de l’être Anthroposophia – qu’« Il ne sera permis qu’Elle meure que lorsque le nombre de ses suivants se sera suffisamment augmenté. » – et la légende d’Isis et de son frère-époux Osiris, qui est le Christ. On nous explique qu’Osiris a permis qu’on le morcelle et que les morceaux soient éparpillés sur toute la terre. Et maintenant, Isis est en train de retrouver les fragments de son époux pour lui redonner vie. Mais comme elle est, et a toujours été, de nature divine, elle ne peut pas s’incarner entièrement comme être humain visible; elle agit en tant qu’être humain invisible pour nous guider et pour agir à travers nous.

En guérissant la maladie du Père et en donnant aux êtres humains la liberté, le Fils a permis à la Puissance adverse de le couper en morceaux. Et ces fragments de son être resteront perdus dans les âmes humaines jusqu’à ce qu’un nombre suffisant d’âmes humaines s’unissent à la Sophia. Ce ne sera qu’à ce moment-là que la Sophia pourra mourir, disparaître dans sa forme humaine actuelle pour connaître et s’unir consciemment à son vrai soi, c’est-à-dire son époux, le Christ. L’âme humaine ne peut se connaître pleinement, s’unir à son vrai soi, que lorsqu’elle peut mourir à soi-même et se dire : « Pas moi, mais le Christ en moi ». Même l’éternel féminin divin doit connaître les souffrances de la phase humaine de l’évolution pour atteindre une pleine conscience de son frère-époux primordial, c’est-à-dire d’elle-même.

« Connais-toi », le mot d’ordre des mystères grecs.

Et, encore une fois, nous pouvons ressentir comment l’Esprit saint, agissant dans l’être Anthroposophia, nous guide.

Et est-ce que le Christ lui-même lors de son incarnation humaine ne nous a pas promis de nous envoyer son défenseur? Regardons ce que dit le Christ dans le 14echapitre de l’Évangile selon Jean :

« Si vous m’aimez, vous vous appliquerez à observer mes commandements; moi, je prierai le Père : il vous donnera un autre Paraclet qui restera avec vous pour toujours. C’est lui l’Esprit de vérité, celui que le monde est incapable d’accueillir parce qu’il ne le voit pas et qu’il ne le connaît pas. Vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous et il est en vous ».

Nous pouvons voir comment ces paroles du Christ sont reliées à ce que Rudolf Steiner nous a demandé par rapport à l’être qu’il décrivait ci-dessus :

Que nous n’ignorions pas cet autre être de nature divine qui, depuis le Mystère du Golgotha, se meut parmi nous en tant qu’être humain!

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J’ai intitulé cet exposé Le rapport intime de la Sophia avec l’Esprit saint, mais il est clair que j’ai dépassé cette seule question dans mes réflexions. En effet, je prétends ici qu’il s’agit d’un seul et unique être. Je suis d’avis qu’en rapprochant les deux concepts de cette manière, nous pouvons mieux comprendre ces deux êtres, qui, tout en n’étant pas absolument identiques, sont si intimement reliés. Les paroles de Jean Baptiste : « Moi je baptise avec l’eau, mais un plus grand que moi viendra qui vous baptisera avec l’Esprit saint et le feu » peuvent revêtir une autre signification si nous nous rendons compte que la Sophia agit dans l’Esprit saint. Ou ne serait-ce pas encore plus émouvant de concevoir que la Sophia était tout près de son frère-époux lorsque, sous la forme d’une colombe, elle a plané au-dessus du Christ-Jésus lors du baptême dans le Jourdain? Ne comprendrons-nous pas mieux la nature de la libertési nous nous rendons compte qu’au moment de la Pentecôte, la fête de la liberté de l’être humain (v. la première conférence du cycle sur la légende du Temple), c’est la Sophia dans l’Esprit saint qui s’unit à son époux à l’intérieur de nous-mêmes, et que de cette union du principe féminin avec le principe masculin, dans leurs aspects divins, naît la véritable liberté humaine?

Le principe féminin divin n’est pas seulement sagesse, mais aussi sagesse évolutive qui est « la source de toute vie ». Nous savons qu’Adam a donné le nom de sagesse à sa femme. Cette Vie donne au Verbe tout son sens (7econférence du cycle sur l’Évangile de Luc, GA 114), et à l’origine, elle était unie au Verbe. Et cette Vie est aussi la Lumière humaine, l’Esprit saint qui unit les êtres humains. On trouve cette union primordiale au début de l’Évangile selon Jean :

« Au commencement était le Verbe,

et le Verbe était tourné vers Dieu,

et le Verbe était Dieu.

Il était au commencement tourné vers Dieu.

Tout fut par lui,

et rien de ce qui fut, ne fut sans lui.

En lui était la vie

et la vie était la lumière des hommes,

et la lumière brille dans les ténèbres,

et les ténèbres ne l’ont pas comprise ».

 

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Appréciation : La plupart des idées exposées dans le présent article sont le fruit d’innombrables conversations avec mes très chers amis Lan Nguyen, Jonah Evans, et Robert McKay. La responsabilité de les avoir réunies dans l’ordre de cette présentation est entièrement la mienne, et par conséquent, je suis également responsable pour toute erreur qui peut s’y trouver.

Trinh Huynh, Toronto, Nuits saintes, 2018

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