Cascadia s’implique dans la communauté

Cascadia s’implique dans la communauté

Le pédiatre autrichien Karl Koenig (1902-1966) a créé le mouvement Camphill, fondant ainsi des communautés thérapeutiques pour personnes atteintes de déficience. Ita Wegman, médecin anthroposophe, l’avait invité à collaborer étroitement avec elle dans sa clinique pour travailler auprès d’individus ayant des besoins spéciaux.

La Cascadia Society for Social Working est un centre Camphill urbain situé à North Vancouver en Colombie-Britannique. Il s’agit d’un centre de jour qui dessert 34 individus affichant des problèmes de développement. Et parmi ces clients de jour, 11 d’entre eux habitent à proximité dans 4 résidences Cascadia.

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La maison principale de Cascadia

Les ateliers offerts par le centre de jour comprennent de nombreuses activités thérapeutiques: les arts textiles, la peinture, la vannerie, la fabrication de bougies, le jardinage, le modelage et les arts ménagers. L’eurythmie et la musique jouent également un rôle fondamental dans la vie de Cascadia.

Ruth, comment vous êtes-vous retrouvée au sein de l’équipe de Cascadia?

Ruth

Ruth

Lorsqu’à l’âge de 24 ans j’ai commencé à travailler dans une communauté Camphill, j’ignorais qui avait été Karl Koenig. J’avais entendu parler de lui, mais cela ne me touchait pas puisqu’il était décédé depuis pas mal de temps. J’étais en admiration devant les collaborateurs qui dirigeaient la communauté et les considérais presque comme des dieux. Ils n’avaient que plus ou moins 35 ans à l’époque, mais semblaient être beaucoup plus âgés. Cela ne nous faisait rien de travailler jour et nuit pour quelque chose qu’en fait nous ne comprenions pas, car on nous faisait confiance et nous confiaient des tâches et des responsabilités qui dépassaient ce dont nous nous pensions capables. Nous avions le pressentiment qu’un être supérieur agissait au-dessus de nous pour rendre les choses possibles.
Durant ces trois premières années, je pense avoir appris tout ce qui allait avoir de l’importance pour ma vie. J’ai appris le jardinage, la vannerie, et d’autres travaux manuels. J’ai découvert le Calendrier de l’Âme. J’ai appris à connaître la configuration des étoiles et ai appris à jouer de la lyre. J’adorais l’eurythmie, et je fabriquais des costumes pour nos représentations. Au bout de trois mois seulement, je suis devenue membre de la Société anthroposophique. L’idée de la réincarnation me semblait une évidence. J’ai été intriguée de découvrir comment je pouvais partager l’argent avec les autres. Il n’y avait aucun doute que l’anthroposophie et la vie en communauté allaient désormais déterminer mon avenir.

Cela fait maintenant 17 ans que vous êtes à Cascadia. Quels sont les changements que vous avez constatés?

Or, en 2000 nous étions peu de collaborateurs pour seulement 11 individus ayant des besoins spéciaux. À l’époque, il y avait très peu de règlements. Nous pouvions aller nous baigner, faire des randonnées pédestres et du camping, et participer à des festivals et à des activités artistiques sans avoir besoin de tenir de longues réunions préalables. Nous faisions tout ensemble.

Les collaborateurs ne travaillaient que très rarement seul à seul avec les handicapés (appelés « compagnons »). On faisait un effort pour intégrer même les plus gravement atteints dans les activités de groupe.

À l’époque, nos 2 locaux étaient situés sur la 1re rue à North Vancouver. Le fait d’être en plein centre-ville nous permettait beaucoup de choses merveilleuses, mais d’autre part, nous n’avions pas de jardin. Nous avons fini par voir que les locaux étaient trop restreints. En plus, il y avait les exhalations émanant d’un garage de réparation d’autos et la résistance de plusieurs voisins qui ne voyaient pas d’un bon œil notre présence dans leur quartier.

Et voilà que nous avons pu faire l’achat de notre première maison et monter la côte pour nous établir dans la 19e rue. Cela a été la réalisation de bien de nos rêves; nous possédions nos propres locaux avec un jardin, et nous avions enfin la possibilité de faire des activités artistiques dans notre propre cour.

Le déménagement nous a permis de réaliser une grande mosaïque du zodiaque dans notre jardin.

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Détail de la mosaïque du zodiaque

 

Depuis, notre initiative s’est agrandie. Nous possédons maintenant trois propriétés dans la même rue avec une grande salle et des espaces adéquats pour nos ateliers.

Mais avec l’expansion viennent inévitablement de nouveaux règlements, signe de notre époque contemporaine. Le côté positif qui accompagne cette montagne grandissante de paperasse est la possibilité de trouver de nouvelles sources de financement. Mais cela résulte aussi dans une situation problématique dans ce sens que plusieurs de nos collaborateurs les plus chevronnés sont obligés de se consacrer à des tâches administratives.

Mais nous sommes heureux de constater que de nouveaux collaborateurs continuent à venir se joindre à notre équipe.

 

Le plus grand défi dans ces conditions est de pouvoir confier à des individus la responsabilité de prendre des initiatives sans perdre de vue la mission même de Cascadia et du mouvement Camphill. Comment intégrer l’aspect spiritualité dans notre travail quotidien sans offusquer ou mettre les gens mal à l’aise?

J’ai la ferme conviction que la plupart des gens ressentent qu’il y a quelque chose de différent à Cascadia, et que c’est la raison pour laquelle ils viennent à nous. Trouver moyen d’aborder de tels sujets représente le plus grand défi, mais cela nous incite en même temps à aiguiser notre sens de l’observation dans nos rapports avec nos jeunes collaborateurs et de découvrir des moyens pour respecter leurs besoins.

Or, nous avons entrepris un nouveau projet qui enthousiasme justement nos jeunes collaborateurs. Nous avons commencé à faire de la soupe pour nourrir les moins nantis de la ville, tout en respectant les préoccupations de nos jeunes collaborateurs quant au recyclage et au développement durable.

Il s’avère donc que l’impulsion première, le travail et le partage avec des individus atteints de déficience, a cédé la place à cette nouvelle initiative. La question est donc devenue autre : comment nos collaborateurs peuvent-ils faire partie de la solution, s’adressant aux problèmes qui confrontent le monde en général?

Nos « compagnons » s’intéressent aux êtres humains qu’ils croisent sur leur chemin. Nous faisons des visites dans les hôpitaux; là, leur tâche consiste à apporter de la bonne humeur aux malades. Ils saluent les individus dans les ascenseurs dans le but de briser le silence causé par la tyrannie de l’attachement des gens à leurs téléphones cellulaires.

Je m’intéresse vivement à trouver des moyens pour permettre à nos jeunes collaborateurs de sortir dans la rue avec nos « compagnons » pour effectuer des changements.

Jusqu’ici, le plus important, c’était les produits, les ateliers, et le volet artistique. La nouvelle orientation serait plutôt : comment interagir avec le monde extérieur en apportant des connaissances par le biais de l’artisanat, des arts, de toutes les richesses de la vie de Camphill?

Nous reconnaissons que chacun de nos « compagnons » a une tâche essentielle. Comment faire pour que lui ou elle puisse faire briller sa lumière intérieure?

 

Megan, raconte-nous un peu ta vie et comment tu en es venue à trouver le chemin qui mène à Camphill.

Megan

Megan

Je venais de rentrer du Nouveau-Brunswick et j’étais en train de passer plusieurs entrevues pour me trouver un emploi. C’était le moment idéal pour explorer les possibilités qui existaient ici dans ma ville natale. Le père d’une de mes meilleures amies avait travaillé dans un village Camphill au Minnesota. Il m’a appris, à ma grande surprise, qu’il existait une communauté Camphill dans mon propre quartier, et je suis donc venue voir.

J’ai été immédiatement enchantée par l’ambiance et l’accueil amical des gens, et ai donc senti que je pourrais facilement m’impliquer et ai décidé de devenir bénévole. On m’a offert un poste de bénévole pensionnaire, ce qui me convenait parfaitement et voulait dire que je pouvais être sur place à temps plein sans devoir payer de loyer. J’ai vécu pendant une année dans une des maisons Cascadia avec Monique Walsh à West Vancouver.

J’ai découvert qu’à Cascadia les priorités étaient tout à fait particulières. Dans les endroits où j’avais travaillé jusque-là et dans les écoles que j’avais fréquentées, toutes les énergies étaient concentrées sur ce qui allait se passer, sur le prochain pas ou la prochaine étape. La priorité, c’était l’avenir.

À Cascadia, par contre, j’avais l’impression que le temps ralentissait; c’était la première fois que je me trouvais parmi des gens qui semblaient s’intéresser davantage à ce qui se déroulait immédiatement devant eux plutôt que de se préoccuper trop de ce qui allait arriver par la suite.

Au bout d’une année, j’ai quitté Cascadia, pensant que je devais connaître d’autres expériences dans le monde extérieur. Effectivement, j’ai beaucoup, beaucoup vécu pendant cette année-là, travaillant sur une ferme où l’on cultivait des bluets, dans une épicerie familiale, et avec des enfants atteints de déficience.

Au terme de cette année d’absence, on m’a de nouveau offert un poste à Cascadia, et j’étais heureuse de quitter mes autres activités pour y revenir.

Je suis enthousiasmée au plus haut point par la nouvelle impulsion née à l’intérieur de la Cascadia Society: nous nous impliquons désormais dans la communauté. Des bénévoles nous viennent d’Europe pour collaborer à cette initiative. Nous avons établi des liens avec une classe de 7e année de l’école St. Edmunds, une école située très proche du centre. Les élèves viennent participer à nos ateliers artistiques et nos ateliers d’arts ménagers, où ils travaillent côte à côte avec nos compagnons et interagissent avec eux.

Nous nous sommes liés d’amitié avec une femme du nom de Goli, qui dirige Why Waste?, une organisation de récupération alimentaire. Elle récupère auprès des épiceries des aliments de la veille que nous utilisons pour faire de la soupe. Nous apportons cette soupe à Oppenheimer Park à Vancouver, un des quartiers les plus pauvres de la ville, connu pour ses problèmes de drogues et d’itinérance. Les compagnons (toujours avec la permission de ceux qui les parrainent) aiment beaucoup accompagner les collaborateurs quand ils s’y rendent pour servir les visiteurs.

Ruth, ce projet de soupe populaire à Oppenheimer Park me paraît fort intéressant. Pourrais-tu en parler un peu plus en détail?

Nous préparons aussi des sandwichs. Nous avons découvert que les pauvres préfèrent les sandwichs préparés sur des brioches de pain blanc, car beaucoup d’entre eux ont des problèmes de dentition et le pain blanc se mastique plus facilement. Nous avons découvert également qu’ils sont friands de compote de pommes et de yogourt; par conséquent, nous leur en apportons aussi. Les brioches de la veille sont offertes par le magasin Cobb’s à North Vancouver. Nos collaborateurs se réunissent la veille de la distribution pour préparer la soupe et les 250 sandwichs pour le lendemain.

Goli, de l’organisation Why Waste?, est un trésor national! Sa sœur est médecin anthroposophe en Allemagne, donc nous avons déjà un lien de ce côté-là. On dirait que c’est Noël lorsqu’elle nous livre les denrées alimentaires (dont une partie est biologique) tous les mois. Si jamais nous voulions augmenter ou élargir ce projet, nous pourrions certainement recevoir des livraisons d’aliments tous les deux jours!

Je trouve important que Cascadia aille ainsi vers la communauté. Je suis d’avis que nous ne pouvons plus concevoir nos activités seulement pour le bien-être de notre cercle intime.

Le monde connaît des besoins, et nous voulons tous participer à répondre à ces besoins.

Merci beaucoup Ruth et Megan! Je vous souhaite bonne chance dans la réalisation de ce projet.

 

Susan Koppersmith

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