MOT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL De la société anthroposophique universelle Notre étoile du nord

MOT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL De la société anthroposophique universelle Notre étoile du nord

Chers membres et amis de la Société anthroposophique au Canada.

Filant à toute allure vers l’Europe, à une altitude de 30,000 pieds au-dessus de la vaste immensité de notre Nord canadien, je dirige mon regard vers le bas, et je perçois une ligne qui marque le seuil entre le jour et la nuit. Arrivant à partir de l’Europe et traversant l’océan atlantique, la nuit se précipite vers le ciel de l’ouest qui est encore vêtu des couleurs rayonnantes de l’arc-en-ciel. Par-dessus l’océan pacifique, en route vers l’Asie, le jour bat en retraite pour se glisser derrière l’horizon qui s’estompe rapidement. Le dernier vestige de la lumière du jour se couvre d’un voile d’indigo. Ci et là, les premiers points de lumière font leur apparition contre l’immensité du ciel. Et alors, en une cascade rayonnante, le bleu lumineux du ciel nocturne revêt son manteau d’étoiles, qui apparaît à une vitesse vertigineuse.

La soudaineté de ce mouvement révèle combien la terre tourne rapidement sur son axe invisible. C’est comme si nous pouvions percevoir la trajectoire des étoiles sous forme de faisceaux de lumière, balayant le ciel du crépuscule jusqu’à l’aurore, inscrivant leur chemin à travers la vaste étendue du ciel. Mais ce n’est pas seulement les étoiles qui décrivent cette danse du derviche autour de nous; il y a aussi des lunes et des planètes, des soleils et des constellations qui nous enveloppent d’un mouvement incessant d’interactions dynamiques et changeantes.

Mais, il y a aussi l’astre « unique », l’étoile qui, au milieu de cette remarquable activité cosmique, se tient résolument à sa place, tranquille, en repos : l’étoile qui marque le Nord. D’une calme fermeté, elle baisse le regard vers nous. Nous levons le regard vers elle. Pris dans toute la précipitation tourbillonnante de notre existence quotidienne, nous levons le regard vers elle et nous ressentons sa présence ferme, fidèle – un point d’ancrage au milieu du changement incessant. Et dans son regard tourné vers nous, elle conserve l’image unificatrice qui nous relie tous en tant qu’êtres humains.

Devant moi, entassés sur la table pliante, se trouvent les comptes-rendus des membres du Comité exécutif et des responsables des Sections de l’École de Science de l’esprit, reflétant le travail qu’ils ont accompli durant l’année. Je les accompagne ainsi dans leur examen rétrospectif. Nous considérons le revirement radical qui a bouleversé nos vies il y a un an. Nous nous étions habitués pendant des années à ce que nous avions considéré comme étant un sol ferme et prévisible pour soutenir notre travail. La forme habituelle qu’avaient prise nos façons de travailler ensemble était devenue quelque chose que nous jugions apte à étayer notre travail futur.

Et pourtant, en examinant notre histoire, nous voyons qu’il y a eu d’autres moments bouleversants où le tissu de nos relations collectives s’est défait. L’expulsion d’Ita Wegman et d’Élisabeth Vreede du Vorstand, les deux ayant été écartées de leurs tâches respectives, a été un tel moment. Or, grâce à une configuration remarquable lors de l’assemblée générale annuelle de l’année dernière, un profond désir de rectifier cet état des choses s’est fait ressentir. Peut-on concevoir que ce geste fait partie d’un revirement qui indique que nous devenons conscients de quelque chose qui nous échappait jusqu’ici? Ce que nous considérons comme étant la constance des phénomènes terrestres – que le jour fait place doucement à la nuit, que les saisons se suivent – tout cela n’est possible que parce que notre perspective est bernée. Derrière la solidité de la vie que nous menons de jour en jour, il y a en arrière-plan le tourbillon incessant et toujours changeant de l’activité de notre cosmos.

Et c’est ce changement dans notre conscience qui a été l’élément déterminant de l’année. Ce revirement a été déclenché par un changement de perspective, apparemment collective, qui a eu comme résultat que le Comité exécutif de sept membres s’est vu réduire à quatre membres. Cette réduction de moitié a été réalisée en l’espace de quelques heures seulement.

Et ce n’est que très lentement que nous nous rendons compte de l’immensité des défis qui ont été imposés à ces quatre individus. Non seulement nous leur avons demandé d’assumer toutes les responsabilités qui incombaient à leurs trois collègues sortants, mais nous le leur avons demandé à un moment de l’histoire où le mouvement anthroposophique mondial connaît une expansion fulgurante. Les tâches du Comité exécutif qui étaient, il y a quelques années à peine, limitées grosso modo aux activités centrées autour du Goethéanum se sont maintenant étendues à la terre entière, dans quatre-vingt-dix pays. L’image qui me vient à l’esprit, alors que je réfléchis sur les événements de l’année et que je considère les réflexions des membres du Comité exécutif eux-mêmes, c’est celle d’un océan en état de repos qui se fait soudainement soulever par la force d’une tempête incessante et toujours changeante. La constance fiable de notre sol anthroposophique se met à se mouvoir comme le tourbillonnement du cosmos étoilé. Et, pris dans ce tourbillon frénétique, nous pouvons facilement perdre l’image de la force constante de notre propre Étoile du Nord personnelle.

Nous pouvons nous sentir à la fois étonnés et profondément reconnaissants devant l’effort que déploient ces quatre individus pour faire face aux intempéries et pour ne pas se faire noyer par les courants tourbillonnants. Avec des pas mesurés, ils ont exploré de nouvelles manières de porter les immenses responsabilités qu’on leur a imposées, la tâche pour chacun d’eux ayant été doublée dans cet espace fatidique de quelques heures. Ils se sont aidés mutuellement, et ont demandé de l’aide à d’autres aussi, pour examiner la situation en profondeur, pour discerner les rythmes et les configurations de ces tâches si énormes. Mais ils ont également levé le regard au-dessus des complexités de leurs situations quotidiennes, raffermissant leur force singulière et constante, nous invitant à les accompagner dans ce geste.

Et derrière ces manifestations extérieures, nous avons la possibilité de percevoir la présence indéfectible de l’être qui se préoccupe profondément de ce que nous faisons. Nous pouvons, chacun à sa manière, nous aider mutuellement à être conscients de sa présence. Nous tournant vers lui, nous foulons un nouveau sol, nous acquerrons une nouvelle certitude qui nous permettra de confronter non seulement les défis de notre vie commune dans l’anthroposophie, mais aussi de naviguer le tourbillon de notre monde contemporain avec une égalité d’âme – et dans la joie.

Je vous salue chaleureusement,

Bert Chase,

Secrétaire général pour le Canada

1 Comment
  • Claude Gendron
    Posted at 20:42h, 30 avril Répondre

    Un texte plein de poésie, empreint d’un lyrisme qui va droit au cœur. Et pourtant il décrit ce que plusieurs ont l’an dernier lors de l’AGA ressenti comme un drame . Et le Christ se tient au centre du tourbillon qui emporte la société anthroposophique vers son destin.

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