ISIS Cultural Outreach International Society en Russie

ISIS Cultural Outreach International Society en Russie

– Arie van Ameringen 
La Fondation ISIS a été initiée en 1988 par Monica Gold anthroposophe et art thérapeute de Vancouver. À l’occasion d’une rencontre anthroposophique à Ann Arbor, en 2008, Mary Lee Plumb-Mentjes, vivant en Alaska à l’époque, Galina Fin, de Toronto, et moi-même avons décidé de continuer à porter cette fondation qui vise à appuyer des initiatives anthroposophiques en Russie.

Depuis 2009, trois voyages nous ont conduits à différents endroits en Sibérie – Vladivostok, Irkoutsk et Talovka, en Bouriatie, à l’est du lac Baïkal -,  dans l’Oural et à Kirov, ville située à 800 km à l’est de Moscou, dans la région de la Viatka. À chaque visite, nous avons offert de mini congrès en anthroposophie et en pédagogie Waldorf (conférences, ateliers, activités artistiques). Nos levées de fonds nous ont permis de soutenir, bien que modestement, quelques écoles, jardins d’enfants et centres pour personnes handicapées.

Images de la Russie récente
Lors de notre séjour à Kirov, en août 2013, notre hôte Slava nous a amenés dans une petite ville au bord de la Viatka. Slobodskoï est connue pour le travail du cuir et de la fourrure. Comme la terre y est très glaiseuse, on a toujours préféré l’élevage bovin à l’horticulture.
Lors de notre excursion, Slava nous a présenté quelques photos datant du début du XXesiècle. Elles montraient une famille propriétaire d’une grande usine fabriquant des bottes. Slava nous en a raconté l’histoire, en lien avec la vie de ses parents. Une histoire saisissante et représentative du sort du peuple russe au siècle dernier. Lors de la révolution de 1917, les propriétaires ont dû fuir. Aujourd’hui encore, on peut voir les bâtiments qui abritaient l’usine.

Un jour, les grands-parents de Slava ont accueilli une religieuse qui n’avait plus d’endroit où vivre, après la destruction de son monastère. Durant les années de disette, la grand-mère qui travaillait dans une boulangerie fut accusée d’avoir troqué des bons de pain. On l’envoya pour cette raison au goulag, dont elle ne revint jamais. Hébergée dans la famille, la religieuse prit en charge le petit Victor (père de Slava) et devint sa mère adoptive. En secret, elle continua à prier pendant cette période, et durant toute sa vie, sans que les habitants de la maison ne soient au courant. La religion était en effet prohibée sous le communisme et les pratiquants couraient de grands risques.

Le père de Victor, et grand-père de Slava, fut tué au front. Quant au grand-père du côté maternel, soldat à la bataille de Stalingrad (1942-1943), il fut hospitalisé pendant plusieurs années, en raison d’une blessure grave. Il écrivait à sa famille, mais ses lettres ne se rendaient pas à destination, ses proches ayant quitté les lieux après une inondation. Il se remaria, croyant que sa femme était décédée. Or, par un concours de circonstances bien particulières, ils apprirent un jour que la vie les avait mutuellement protégés et qu’ils étaient toujours tous les deux de ce monde. Ce fut pour eux une surprise sidérante. Le grand-père a cependant décidé de continuer à vivre avec sa seconde épouse.

C’est une employée, originaire d’une communauté ethnique de l’endroit, qui avait conservé les photos de la famille propriétaire de l’usine. Cette femme avait aussi été accueillie dans la famille de Slava. Ce dernier nous amena ensuite sur la place centrale où trônait une statue de Lénine avec, juste à côté, une vieille église en bois datant du XVIIe siècle. L’église avait été démontée pour une exposition à Paris dans les années 1980. Mais on fut incapable de la reconstruire selon la vieille technique du «sans clou», car on ne la maîtrisait plus .
Slava est aujourd’hui un entrepreneur prospère. Sa femme dirige un nouveau jardin d’enfants Waldorf.

Institutions pour  personnes handicapées
Près du lac Baïkal, il existe trois institutions pour personnes handicapées qui s’inspirent de l’anthroposophie. Elles sont souvent initiées et portées par des parents ayant eux-mêmes un enfant handicapé. Leur travail commence à être reconnu dans un pays qui ne considère pas les handicapés intellectuels comme des êtres humains à part entière. Le gouvernement constate cependant que le travail dans ces institutions porte des fruits tangibles et se montre plus ouvert à les soutenir. Il reste encore beaucoup de travail à accomplir auprès de la population pour faire reconnaître pleinement ce travail éducatif.

Écoles Waldorf
À Irkoutsk, en Sibérie, une école bien établie et soutenue par le gouvernement offre le programme jusqu’à la 12e année. Cela entraîne toutefois des contraintes. Lors de notre visite en 2009, par exemple, quelques inspecteurs étaient de passage. Ils réclamaient, entre autres, de faire repeindre les murs, qu’ils considéraient comme de teinte trop prononcée. Le permis d’exploitation était conditionnel à ce changement. Mentionnons que l’école a reçu l’aide de professeurs venus de Suisse.

A Kirov, l’école s’appelle Notre École (Nasha Skolje). Fondée au début des années 80, elle lutte toujours pour demeurer indépendante. Cette école privée réussit à survivre au prix de lourds sacrifices, tant de la part des professeurs que des parents.

Dans l’Oural, à Ekaterinbourg, malgré le travail d’un groupe d’anthroposophes actifs et l’existence d’une institution pour handicapés, plusieurs tentatives pour fonder une école n’ont pas été couronnées de succès. C’est dans cette ville, notamment, que les Bolcheviks ont assassiné le tsar et sa famille, en 1918. Sur le lieu même du crime se dresse aujourd’hui une immense cathédrale. À quelques kilomètres de la ville, à la carrière où l’on a enseveli les dépouilles, on a édifié un immense complexe religieux, avec des fonds provenant de milliardaires. On y retrouve des chapelles ainsi qu’un lieu de formation des prêtres orthodoxes. Des portraits de la famille impériale ornent la façade des chapelles; les membres de la famille du tsar ont été sanctifiés et sont l’objet d’une grande dévotion. On doit se couvrir pour entrer sur le site.

Ceci dit, anthroposophie et orthodoxie russe ne font pas nécessairement bon ménage. Une jardinière d’enfants nous a ainsi confié qu’un prêtre l’avait menacée d’exclusion si elle ne délaissait pas l’anthroposophie. Alors, elle fait comme font de nombreux autres anthroposophes russes, elle est orthodoxe à sa façon.

À chaque endroit visité, nous avons rencontré des gens qui avaient de l’intérêt pour la pédagogie Waldorf et l’anthroposophie. Cette ouverture se manifestait notamment par la présence et la participation enthousiaste à nos ateliers de parents, professeurs et amis de la société anthroposophique. Ce qui nous a frappés chez ces personnes, c’est l’accueil particulièrement chaleureux et la générosité sans limite.

Défis d’aujourd’hui
La force remarquable du peuple russe réside dans l’esprit communautaire, si bien que, généralement, les Russes arrivent à travailler ensemble vers l’atteinte d’un même but. Nous l’avons observé dans tous les groupes rencontrés. Même si le niveau de vie s’est amélioré depuis la fin du communisme, l’écart entre riches et pauvres s’est considérablement accentué. Magnats, dirigeants du pays et église orthodoxe travaillent main dans la main.

Précisons toutefois, à sa décharge, que le président Vladimir Poutine a récemment reconnu la pertinence de l’approche Waldorf, lors d’une visite d’une école à Moscou. Après la chute du mur de Berlin, plusieurs pays européens ont soutenu financièrement les initiatives anthroposophiques en Russie. Ce soutien s’est aujourd’hui estompé, mais ISIS, au gré de ses faibles moyens, continue à appuyer des initiatives locales.

Si vous désirez faire un don à ISIS, vous pouvez me contacter à : arieva.perceval@gmail.com ou Mary-Lee Plumb-Mentjes  :maryplumbmentjes@yahoo.com

Meta Williams
Certains d’entre vous se rappellent peut-être Meta Williams. Elle était intervenue comme conférencière à la rencontre de Whitehorse, en 2009 ; elle participait à la vie des membres de sa communauté des Premières nations. À la suite de son intervention, Monica Gold avait effectué une levée de fonds, afin d’assister Meta dans ses projets, en se servant d’ISIS comme véhicule.

La contribution de plusieurs participants au congrès avait alors permis d’amasser 3 100 $. Nous avions tenté à quelques reprises de faire parvenir cette somme à Meta Williams, mais les conditions n’étaient pas réunies et elle ne se sentait pas légitimée d’encaisser l’argent. Elle travaille à présent avec d’autres membres de sa communauté sur un projet de réinsertion sociale, dans le cadre d’un organisme à but non-lucratif. Il s’agit d’aider des ex-toxicomanes à regagner le marché du travail. Ils fabriquent notamment des meubles et d’autres objets en bois.

Nous sommes très contents d’informer les donateurs  que  l’argent amassé a été envoyé à The Haines Junction Employment Development Society, du Yukon. 

Arie van Ameringen

Dunham,  février 2014
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