De la Société dans le monde Cap sur 2023

De la Société dans le monde Cap sur 2023

Chers membres et amis de la Société anthroposophique au Canada,

Quelle est en réalité la biographie?

 

Nous passons nos journées entièrement plongés dans le cours de notre vie quotidienne. Mais, occasionnellement, la vie nous confronte, nous incitant à examiner l’organisation de la configuration même de cette vie. Nous sommes alors appelés à nous réveiller. Et ce sont ces moments d’éveil qui nous offrent la possibilité de percer le voile de notre existence quotidienne pour entrevoir derrière le récit de notre vie les principes qui la dirigent. Ces principes sont comme les titres des chapitres de notre existence, et ces prises de conscience nous fournissent des indications pour découvrir l’entité qui vit cette vie, « celui ou celle » que j’appelle « moi-même ». À la différence de nos mains ou de nos pieds, qui soutiennent discrètement la vie, ce « moi-même » entretient des rapports complexes avec le corps qui lui a été octroyé, la demeure dans laquelle il est appelé à s’épanouir.

 

Depuis le début du 20e siècle, la question du « soi » est devenue une préoccupation clé pour saisir ce que veut dire être « humain » à notre époque. Elle a donné naissance à la pratique des recherches psychothérapeutiques. Ce grand mystère du « soi » se tient aussi au cœur même de l’anthroposophie et a été exploré et approfondi grâce aux multiples exemples du travail sur la biographie qui s’inspire des connaissances anthroposophiques. Cette recherche est fondamentale pour ceux qui veulent comprendre ce « soi » qui vit le récit de notre existence quotidienne.

 

Mais il est tout aussi important de se rendre compte que ce cadeau de la vie sur terre n’est que l’un des aspects de la pleine réalité de qui nous sommes. Notre « totalité » se trouve au-delà de l’espace et du temps, et ne confie qu’un aspect de sa nature au processus d’incarnation. Ce « soi supérieur » a aussi sa trajectoire, sa biographie. Il possède une existence qui est intimement reliée à la vie de « moi-même ». Cet aspect de notre être qui ne s’incarne pas appartient à une communauté suprasensible. Et cette communauté crée des impulsions pour sa propre évolution en tant que communauté, des élans qui font partie de ce qui sommeille en nous lorsque nous vivons le récit de notre vie sur terre, dans l’espace et dans le temps.

 

Pour chacun d’entre nous, notre trajectoire de vie est merveilleusement unique, même si nous vivons très proches les uns des autres. Voilà un grand mystère. Bien que nous partagions notre vie intime avec d’autres, nos trajectoires parallèles sont distinctes, séparées, et occasionnent souvent de la souffrance. Or, cette souffrance peut m’inciter à chercher à la comprendre, suscitant un désir de me connaître moi-même. Et malgré la nature unique de nos vies individuelles, distinctes les unes des autres, tous ceux qui lisent ce texte partagent un événement biographique déterminant, le fait de s’être trouvé à un certain moment de sa vie devant la porte d’entrée de l’anthroposophie. Pour chacun de nous, cet événement a provoqué une transformation fondamentale dans la configuration de nos trajectoires biographiques. Le tissu de la vie que nous avons menée avant cette rencontre a été transformé lorsque nous avons choisi de franchir ce portail. Qu’est-ce qui nous y a amenés?

 

L’entité que nous appelons l’Être de l’Anthroposophie, sous tous ses multiples aspects, possède sa propre existence, une vie dont la présence se manifeste dans notre monde des sens. Sa plénitude, sa réalité, réside au-delà de l’espace-temps – tout comme notre réalité à nous. Et, comme nous, l’Être de l’Anthroposophie ne livre qu’un aspect de lui-même à la vie dans le monde sensible. Cela s’est produit lors du Congrès de Noël de 1923/1924. Là, une profonde réalité a traversé la frontière des mondes pour pénétrer dans le corps que lui avait préparé Rudolf Steiner. Et tout comme notre vie est remplie de processus rythmiques qui relient le soi qui vit de ce côté-ci du seuil avec le soi qui vit au-delà du seuil, l’Être de l’Anthroposophie possède lui aussi ses rythmes de vie. Tout ce qui existe dans l’anthroposophie est dirigé vers un seul but : faire de sorte que l’être humain puisse évoluer vers la perfection de l’Archétype de l’humanité, qui Lui est inséparable de l’impulsion même de l’anthroposophie. Par conséquent, de tous les rythmes qui scandent la vie de ce corps préparé pour accueillir l’anthroposophie, le plus significatif est celui de l’Archétype de l’humanité, le rythme de 33⅓ ans. À partir du point crucial marqué par l’événement du Congrès de Noël, ce grand rythme est devenu fondamental pour la biographie de l’anthroposophie, un battement qui s’est fait sentir deux fois au cours du siècle dernier. Ce « battement du cœur » en arrivera à une troisième conclusion à l’époque de Noël 2023/2024. Nous nous trouvons donc devant une question de taille : quel sera le nouveau commencement? Comment aborder cette situation?

 

En contemplant le monde du siècle dernier, nous constatons la complexité presque inimaginable des réalisations de l’anthroposophie. Mais cet épanouissement relève d’un héritage, provenant de la merveille de l’apparition de l’anthroposophie dans le monde. Avons-nous épuisé notre héritage, ou vivons-nous actuellement un moment d’éveil? Est-ce que nous ne serions pas maintenant appelés à saisir réellement que ce qui a porté fruit au cours de ce siècle qui arrive à sa fin puise ses origines à un monde situé au-delà des manifestations extérieures?

 

La réalité qui se tient derrière la présence de l’anthroposophie dans le monde habite la même région que la réalité qui se tient derrière nous-mêmes, derrière notre incarnation actuelle. Grâce à cette cohabitation intime de l’aspect éternel de nous-mêmes avec les êtres qui portent l’évolution de l’humanité, nous avons été guidés, chacun de nous, vers ce tournant dans nos vies. C’est donc cet aspect suprasensible de nous-mêmes qui peut nous orienter vers ce qui doit se réaliser au sein de notre vie collective dans la communauté de l’anthroposophie. Alors, comment saisir ce que nous sommes appelés à réaliser?

 

L’un des plus grands cadeaux de l’anthroposophie est la découverte de la communauté tout à fait unique dont nous faisons partie. Nous avons la possibilité de trouver un cercle d’individus que nous reconnaissons, que nous « connaissons » intuitivement – un cercle réuni par une nécessité karmique.

 

Et sommes-nous en mesure de discerner parmi ces amis anthroposophes un cercle en qui nous avons une confiance absolue et dans lequel nous pouvons nous impliquer d’une manière particulière, une manière permettant d’atteindre la région où notre être essentiel est lié à l’être de l’anthroposophie? Pouvons-nous chercher ce cercle et le trouver? Pourrons-nous ensuite nous engager à travailler ensemble de manière à devenir sensibles à ce que nous sommes appelés à accomplir au seuil de cette nouvelle ère? Pour ce faire, nous pouvons entreprendre l’étude de nos biographies – non pas de la manière habituelle, qui nous amène à nous connaître au niveau de notre soi incarné, mais d’une manière qui mène plutôt aux impulsions éveillées dans le soi transpersonnel par l’Archétype de l’humanité. L’ouverture de la porte menant de nos biographies individuelles vers ces impulsions futures ne pourra pas s’accomplir par notre seul travail personnel, mais devra se réaliser grâce à un travail de groupe. C’est en tendant une oreille dépourvue d’égoïsme pour capter la configuration cachée de notre biographie que l’autre peut percer par le sentiment la toile de cette biographie pour atteindre le domaine de l’universel.

 

Ce travail peut être entrepris par le cercle sous forme d’un processus en trois volets. Chaque membre du groupe travaille d’abord individuellement, se penchant sur sa propre biographie, dirigeant son attention sur les qualités saillantes qui semblent indiquer l’essence des impulsions qui déterminent sa vie actuelle. Nos tout premiers souvenirs peuvent déjà révéler ces qualités. Une fois cette étape préliminaire accomplie, lorsque le cercle se réunit, un des membres offre au groupe ce qu’il a tiré de l’exercice, pendant que les autres écoutent attentivement, sans questions ni commentaires, permettant ainsi que la configuration d’âme du locuteur prenne vie en eux.

 

Pour être efficace, ce processus doit contenir deux éléments distincts. En premier lieu, les éléments clés de notre trajectoire biographique avant notre arrivée devant le seuil de l’anthroposophie; et ensuite, les aspects saillants de notre vie suivant notre « reconnaissance » de l’anthroposophie, notre entrée dans le « corps » de l’anthroposophie. Lors de chaque réunion du cercle, un des membres du groupe relate ces deux aspects de sa vie alors que les autres membres accueillent ce qui est offert, sans discussion ni critique. Entre deux rencontres du groupe, ceux qui ont écouté passent en revue leurs impressions de ce qu’ils ont entendu, les intensifiant intérieurement et les apportant dans leur sommeil. Ensuite, quand après un certain temps le groupe se réunit de nouveau, un autre membre prend la parole pour partager ce même processus comprenant les deux volets. Les réunions se répètent donc jusqu’à ce que tous les membres du cercle aient partagé les deux aspects de ce qu’ils avaient préparé durant l’étape préliminaire.

 

L’écoute attentive, ouverte, chaleureuse et dépourvue de tout jugement devient une force qui permet que quelque chose de l’être essentiel de l’autre prenne vie dans notre propre âme. Ce processus peut révéler graduellement ce qui existe derrière la manifestation extérieure de nos biographies et peut ensuite nous aider à découvrir les impulsions qui sont à la base même de nos trajectoires terrestres. Et nos intentions prénatales font que nous sommes inséparablement reliés aux êtres spirituels qui se tiennent derrière la manifestation de l’anthroposophie dans le monde terrestre. Ces entités sont intimement liées à notre propre être individuel, et c’est justement cette superposition au niveau de l’être que nous cherchons à réaliser avec cet exercice.

 

Une fois que chaque membre du cercle a eu l’occasion de faire ce premier pas, le groupe peut alors décider d’entreprendre un deuxième exercice, une étape plus difficile et plus cruciale. Chaque membre revient sur le moment où l’anthroposophie est devenue un motif central de sa vie, et tente ensuite d’imaginer le plus vivement possible ce qu’aurait été sa biographie sans cette rencontre avec l’anthroposophie. On peut élargir cette imagination, si on le veut, pour essayer de concevoir ce que serait le monde si, il y a une centaine d’années, Rudolf Steiner n’avait pas préparé le terrain pour que l’anthroposophie puisse faire son apparition dans le monde. Que serait notre monde sans tout ce qui s’est manifesté grâce à l’anthroposophie?

 

Comme cela s’est fait pour la première partie de l’exercice, lors de chaque séance une seule personne offrira sa contribution, et les autres membres du cercle porteront intérieurement jusqu’à la prochaine réunion ce qui aura été entendu.

 

Et ces trois étapes deviennent comme une invitation à « ce qui doit venir » de se révéler à nous. Une fois ce triple processus réalisé, le cercle peut devenir un espace d’âme ouvert, une écoute attentive prête à capter ce qui peut s’éveiller en nous comme une rémanence de l’expérience que nous avons vécue ensemble et qui peut nous préparer pour accueillir la prochaine phase de la biographie de l’anthroposophie.

 

Pouvons-nous reconnaître la valeur de cette démarche? Est-ce que nous sommes assez nombreux à pressentir que ce travail peut devenir une impulsion intérieure capable de nous aider à aller de l’avant, de rencontrer le moment critique qui est devant nous?  Si oui, alors au cours de l’année qui vient, nous pouvons commencer à former de tels cercles dans plusieurs régions de notre pays, pour ensuite nous assembler pour partager ce qui, peu à peu, pourra émerger de ce travail commun. Et ainsi nous pourrons tourner notre regard vers ce qui nous est demandé à ce moment historique où nous nous approchons de cette nouvelle phase de notre vie commune. Et ce nouvel événement de Noël, nous l’envisagerons non pas en pensant à ce que nous voudrions qu’il soit, mais avec la ferme volonté de rencontrer ce qu’il faut pour que l’anthroposophie puisse entamer un nouveau cycle de cent ans. Et qu’elle puisse exercer une influence toujours plus importante sur notre culture actuelle et être présente à l’avenir pour ceux qui entreront dans la vie terrestre aspirant à la trouver.

 

Salutations chaleureuses,

Bert Chase,

Secrétaire général pour le Canada

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