01 Jun Mot du secrétaire général
Chers amis,
Au cours de l’année 2011, la Société anthroposophique partout dans le monde célébrera le 150e anniversaire de la naissance de Rudolf Steiner. À souligner particulièrement : un congrès sera tenu le printemps prochain à Bologne, en Italie, là où le 8 avril 1911 Rudolf Steiner a donné une conférence dans le cadre d’un congrès philosophique. (C’est, à ma connaissance, la seule fois où il ait été invité à participer à un tel colloque).
Notre Conseil au Canada se penche sur la question d’explorer comment nous pourrions accomplir une telle commémoration à l’intérieur de la Société au Canada. En Europe, cette année commémorative s’inscrit dans le contexte de plus d’un siècle d’interaction entre l’anthroposophie dans ses différentes manifestations et le vécu historique et culturel des peuples européens. Notre situation ici au Canada est fort différente, bien qu’il soit possible d’indiquer certains moments et endroits où nous avons pu interagir en tant que mouvement avec la vie politique et culturelle. Alors, comment situer une possible commémoration dans un contexte canadien?
Une suggestion : envisager, partout au pays, l’étude de cette conférence donnée à Bologne le 8 avril 1911, dont le titre dans la traduction que j’ai entre les mains est “The Psychological Foundations of Anthroposophy: Its Standpoint in Relation to the Theory of Knowledge.” (Les fondements psychologiques de l’anthroposophie: Sa position par rapport à la théorie de la connaissance?) (On trouve la conférence du 8/04/1911 en français dans le volume Philosophie et Anthroposophie, EAR, 1997 . NdT.)
Au cœur même ce cette conférence on trouve le rapport entre l’anthroposophie comme science de l’esprit, et la conviction philosophique/scientifique de l’époque de Rudolf Steiner (conviction qui règne encore à notre époque) que parce que ce que j’appelle mon « moi/je » semble vivre à l’intérieur du corps physique, d’où il dirige son regard vers l’extérieur, ma capacité de connaître le monde et moi-même est limitée à la seule conscience que ce corps physique rend possible. Or, au cours de la conférence, Rudolf Steiner décrit des exercices qui ouvrent la voie vers une compréhension et une expérience de l’être humain comme une configuration d’activité spirituelle non limitée par le corps physique.
À mesure que l’horizon de la conscience s’étend et que l’être de l’homme commence à faire l’expérience de lui-même en tant que « théâtre sur lequel un contenu suprasensible, constitué d’une véritable substance d’être, non seulement devient perceptible mais aussi se perçoit lui-même», notre rapport au corps physique se modifie. De plus en plus, le corps physique cesse d’être une prison ou un sanctuaire qui limite notre possibilité de connaissance. Il devient plutôt un appareil réflecteur qui permet au « je » comme réalité spirituelle de centrer et d’objectiver sa connaissance du monde et de lui-même.
Je tenterai ici d’attirer l’attention sur un aspect de cette conférence du 8 avril, 1911. Comment ce que je viens de présenter peut-il parler à notre condition de Canadiens membres de la Société anthroposophique au Canada?
J’ai souvent eu l’occasion de survoler ce pays en avion, d’ouest en est, du sud au nord, aller et retour, à haute altitude et à basse altitude. Et depuis les six dernières années, j’ai volé régulièrement au-dessus du Grand Nord du Canada lors de mes voyages au Goetheanum. Dirigeant le regard vers le sol, de quelque altitude que ce soit, je contemple les innombrables miroirs que sont les lacs, les rivières et les fleuves qui relient les différents coins de ce pays; et je contemple en plus le grand miroir qu’est l’ensemble du Canada lui-même. En travaillant avec la conférence du 8 avril 1911, j’ai été amené à penser que c’est possiblement le corps physique de notre pays, sa géographie même, qui réfléchit ce centre d’identité – à la fois insaisissable mais réel – qui fait que nous sommes Canadiens. Comment donc ce lien avec la terre, ce regard qui englobe l’aspect physique de l’ensemble du Canada, fait-il partie intégrante du devenir de la Société anthroposophique au Canada?
D’autres peuples aussi, bien sûr, ressentent que la terre sur laquelle et dans laquelle ils vivent fait partie de leur identité. J’ose suggérer pourtant que pour les Canadiens le miroir géographique reflète de manière primordiale leur identité, bien plus que ne le font leur histoire ou leur culture ou mélange de cultures, sans enlever quoi que ce soit à l’importance de ces derniers éléments. Comme je l’ai écrit ailleurs, c’est la géographie du Canada qui a toujours englobé et qui englobe encore son histoire.* Et j’oserais suggérer qu’ainsi, en tant que Canadiens, nous pressentons déjà de façon intuitive ce que nous sommes appelés à comprendre clairement si nous voulons nous connaître réellement – tout l’étendu de ce vaste pays. Il s’agit d’une activité de connaissance qui prend naissance à la périphérie, à nos horizons, et qui se dirige vers l’intérieur pour enfin découvrir un centre.
J’offre ces réflexions comme un point de départ possible parmi tous ceux que cette conférence du 8 avril 1911 peut inspirer – un pas possible vers une compréhension de comment nous autres Canadiens pourrions entamer cette année commémorative 2011 qui rend honneur à la vie et l’œuvre de Rudolf Steiner. Les responsables de la première Classe et les membres du Conseil peuvent fournir une traduction (en anglais) de cette conférence. La même conférence paraît également, dans une autre traduction, comme la deuxième conférence du volume Esoteric Development, éditions Anthroposophic Press (USA). (En français dans le volume Philosophie et Anthroposophie, EAR, 1997. NdT.)
En terminant, je demanderais que nous envoyions de la part de la Société au Canada nos meilleures pensées à ceux qui participeront au congrès de langue anglaise qui se tiendra au Goetheanum du 2 au 7 août et dont le thème sera Entering into the 21st Century Spiritually. Les quatre Drames-Mystères seront présentés durant les journées précédent ce congrès, ce qui fera de l’événement quelque chose d’encore plus riche et stimulant.
Philip Thatcher
Secrétaire général
*Dans “North of the Border”, US Journal for Anthroposophy (Hiver 1986) ainsi que dans d’anciens numéros du bulletin au Canada et dans The Riddle of America (AWSNA 2001)
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