09 Dec Mot du secrétaire général
Chers amis,
Celui qui voyage au Goetheanum au mois de novembre ne sait jamais d’avance quel temps il fera. Parfois, il neige; le plus souvent, c’est de la pluie qui accueille le visiteur; ou encore on peut trouver un ciel clair dont la lumière du soir, près de l’horizon, donne au bâtiment un air doux, voire tendre.
Mais chaque fois que je m’y rends en novembre, une ambiance de repos pénètre tout. Les feuilles sont déjà tombées ou sont sur le point de le faire. Des vaches paissent tranquillement sur le terrain du Goetheanum. La nature a épuisé ses forces, elle se recueille en vue de l’hiver qui approche, elle se repose maintenant. Elle offre ainsi une ambiance d’émerveillement qui ouvre de l’espace pour notre activité intérieure, nous les Secrétaires généraux qui sommes là pour nous réunir avec le Comité directeur et les responsables des Sections de l’École de Science de l’Esprit. J’aimerais vous présenter ici quelques-uns des nombreux sujets auxquels nous avons porté notre attention.
Troels Ussing, Secrétaire général pour le Danemark, a donné un compte rendu du travail anthroposophique présentement en cours en Uganda, en Tanzanie, et au Kenya. Près de 2500 élèves fréquentent des écoles Waldorf dans ces pays. Contre la toile de fond historique de l’exploitation pratiquée par les Européens avides d’esclaves, d’ivoire, de caoutchouc – et qui a amené la chute des royaumes africains cohérents – Troels a fait ressortir les ressemblances que l’on trouve entre les valeurs sociales des Africains et le geste social préconisé par l’anthroposophie. Même dans le contexte social d’une grande importance accordée à l’identité de groupe et à la responsabilité envers sa collectivité, le cheminement vers une plus grande conscience de l’individualité personnelle se fait jour chez l’Africain, bien que ce cheminement soit parfois ardu. Troels a fait remarquer que le cynisme et l’égotisme de l’Européen peuvent entraver le progrès de l’Africain dans ce sens. Et pourtant, il y a de l’excellent travail qui se fait, notamment dans les écoles Waldorf, travail rendu possible par la formation offerte par des collègues d’Afrique du Sud.
Dans le numéro de septembre de Anthroposophy Worldwide (no. 7) on trouve de bons articles sur le travail en Afrique et sur la manière dont la sensibilité de l’Africain parle à notre humanité universelle.
Une de nos rencontres a été entièrement consacrée à des rapports du Comité directeur et des responsables des Sections concernant le renouvellement du mandat de Bodo von Plato comme membre du Comité directeur. Depuis quelques années, l’on reconnaît que le statut de membre du Comité directeur ne doit pas être considéré comme étant un « poste à vie »; un membre doit être libre d’assumer d’autres tâches lorsqu’il reconnaît que son destin le lui demande. Parallèlement, si au bout d’un certain nombre d’années un membre décide de rester au sein du Comité, la décision de le faire devrait se prendre à la lumière d’une révision rétrospective de son travail, révision qui se fait après une période de sept à douze ans à compter du moment où l’individu est devenu membre du Comité directeur.
Dans sa réponse à cette révision, et en réaffirmant sa volonté de continuer comme membre du Comité directeur, Bodo nous a amenés sur le terrain des responsabilités qu’il a lui-même portées pendant son mandat. Une de ces responsabilités concerne les cours d’étude au Goetheanum (en langue allemande), comportant des modules pour des individus oeuvrant au sein de différentes professions (exemple : les banquiers). Au cours de ce travail, un nombre de questions ont fait surface pour lui : Comment développer dans la vie méditative une compétence spirituelle qui soit universellement humaine? Comment développer une recherche selon la Science de l’Esprit qui attire l’intérêt et qui mérite le respect de la science officielle? (Dans ce contexte, Bodo a fait la remarque que les pratiques spirituelles les plus courantes de notre époque sont plus éloignées de l’anthroposophie que ne l’est la science de la nature.) Et comment pouvons-nous façonner un langage susceptible d’exprimer cette activité que nous nous efforçons de développer?
Depuis quelques années, une grande partie de l’activité de Bodo von Plato a été consacrée à monter les Drames-Mystères de Rudolf Steiner dans une forme renouvelée. Dans les mots de Bodo von Plato, ces drames représentent « l’élément-cœur de l’anthroposophie »; leur présentation est une partie intégrante de la tâche du Goetheanum. Pourtant, les mettre en scène de manière à ce qu’ils portent vers l’avenir implique un élément de risque, à la fois spirituel et artistique. Et monter ces drames est une entreprise coûteuse. Des 1,100,100 francs suisses requis, il reste un montant de 185,000 CHF à combler, en plus des 800,000 CHF nécessaires pour financer 20 représentations de l’ensemble des quatre drames.
L’été prochain, les quatre Drames-Mystères seront présentés au Goetheanum du 29 juillet au 1er août. Il s’agit de la période précédant immédiatement la semaine de langue anglaise, qui se tiendra du 2 au 7 août. Les représentations se donneront en allemand avec, par l’intermédiaire de casques d’écoute, une interprétation simultanée du texte en anglais. Le thème de la semaine anglaise lui-même sera Entering into the 21st Century Spiritually. De plus amples renseignements sur les deux événements paraîtront au début de 2010.
Un troisième fil conducteur de nos rencontres était celui de la vie de la Société anthroposophique – fil qui a été au centre de chacune des réunions auxquelles j’ai assisté jusqu’à présent. La tâche de la Société anthroposophique est de cultiver la vie de l’âme dans l’individu et dans la société en se fondant sur une véritable connaissance du monde spirituel. Une telle société doit : affirmer la liberté spirituelle de chaque membre individuel; cultiver la confiance entre membres; rendre possible des rencontres et réunions entre membres grâce auxquelles le karma peut agir; travailler en vue d’une culture de paix rendue possible par la lutte intérieure personnelle livrée par chaque membre individuel au-dedans de lui-même; et être au service de l’humanité en conformité avec l’esprit de notre ère. La reconnaissance de ces gestes a résonné de multiples façons et à de multiples moments au cours de nos rencontres, et a été exprimée d’une manière particulièrement claire et précise lors d’une présentation de Paul Mackay.
Au cœur même de chacun de ces gestes se trouve notre conscience du seuil, élément essentiel à toute véritable connaissance de soi à notre époque. La conscience du seuil est ce qui nous différencie de beaucoup d’autres mouvements spirituels.
Depuis quelques années, j’en suis venu à reconnaître que le festival de l’Avent est en fait celui du Dévoilement du Seuil. La lumière du monde extérieur cède la place à l’obscurité pour qu’une autre lumière puisse briller. L’Avent nous incite à laisser aller la lumière extérieure, à permettre à l’obscurité de descendre. L’Avent nous invite à percer du regard cette obscurité et de percevoir ce devenir qui est ce que nous sommes en réalité.
C’est là une façon possible d’exprimer cette expérience. Les paroles qui suivent peuvent en représenter une autre, paroles écrites par David Zieroth, ami de longue date, ancien parent de l’École Waldorf de Vancouver, et lauréat du Prix de Poésie du Gouverneur Général pour l’année 2009.*
The light that breaks with fall
slants against our eye
eager to penetrate flesh,
proclaiming no other way except our own.
We are the winter residence of light.
(La lumière qui point avec l’automne
Darde ses rayons obliques contre notre œil
cherchant à pénétrer la chair,
proclamant nul autre chemin que le nôtre.
Nous sommes la demeure hivernale de la lumière.)
Mes meilleurs vœux pour l’Avent et pour les Nuits saintes,
Philip Thatcher,
Secrétaire général.
*extrait de « Winter Residence », The Weight of My Raggedy Skin (Polestar, 1991)
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