07 Mar Souvenirs d’Inge Ludke, 1915 – 2011
– Angelica Thiemann et Inge-Barbara Bastian, 23 janvier 2011
J’ai connu Inge quand j’ai commencé à participer à un groupe de la Société anthroposophique, aux alentours de 1986. J’ai rapidement appris que lorsqu’elle se mettrait à parler, son discours n’aurait qu’un lien ténu avec le sujet à l’étude, reflèterait plutôt ses propres préoccupations concernant les questions de spiritualité, et serait relativement long. Vers la fin de sa vie, le sujet en question avait généralement rapport aux anges. Souvent, il lui arrivait de ne plus pouvoir retrouver tous les exemples qu’elle voulait donner; elle disait alors « et ainsi de suite, et ainsi de suite… » et reprenait allègrement son discours. Elle avait coutume de nous dire que nous devrions nous occuper de ce qui se passait dans le monde, laissant transparaître sa conviction que nous ne savions pas grand-chose.
Ce n’était que lorsque j’étais seule à seule avec elle pour un échange ou pour la conduire quelque part en auto, qu’elle révélait combien elle était aimable, chaleureuse, et pleine de reconnaissance, même pour les moindres gestes. Et que dire de son enthousiasme, qui l’amenait littéralement à sauter de joie, même à 90 ans!?
Elle avait un goût prononcé pour les sucreries et en offrait généreusement à ceux qui l’emmenaient en voiture, en signe de reconnaissance pour le service rendu.
Durant ses dernières années, Inge adorait donner ses cours de mythologie dans le cadre du dépar-tement de Continuing Education de l’université McGill. Elle avait l’habitude de faire le trajet à pied, de son appartement à Westmount jusqu’à l’université, et ce jusqu’à l’âge de 90 ans et plus. Lors-qu’elle a cessé d’enseigner à McGill, plusieurs de ses auditeurs dévoués lui ont prié de continuer à donner des cours chez elle, ce qu’elle a fait avec la plus grande joie.
Elle adorait la poésie, et en écrivait beaucoup. Elle avait l’habitude d’offrir à notre groupe des poè-mes spécialement composés pour les différentes occasions. Comme elle refusait avec véhémence les commodités modernes, elle les tapait sur sa machine à écrire, appareil pour lequel elle avait de plus en plus de difficulté à trouver des rubans.
Je n’ai retrouvé qu’un seul de ses poèmes, daté du 24 février 1997. Le voici. Bien que la traduction ne respecte pas les rimes de l’original, elle pourrait donner un sens de qui était réellement Inge.
En regardant une grosse tempête de neige
Silence et calme
Dansent une ronde
Dans le monde intérieur
Qui nous tient ensemble.
Les sons aigus rayonnent,
Les sons doux peignent,
Les sons gravent veulent
Ce que nous devrons faire à l’extérieur
Comme nous avançons un pied devant l’autre.
Sur le bord du chemin un monstre grogne,
Au loin la tentation reluit,
Devant une porte un mendiant est assis.
Silence et calme
Nous donnent des lunettes pour
Mieux contempler le monde,
Pour mieux respecter les hommes.
Ne ferme pas les yeux
Sur des choses qui semblent sans valeur;
Accepte la douleur qu’elles provoquent en toi
Et accueille-les dans ton cœur.
Ins große Schneetreiben blickend
Die Stille und das Schweigen
Tanzen einen Reigen
In der Innenwelt,
Die uns zusammenhält.
Hohe Töne strahlen,
Sanfte Töne malen,
Tiefe Töne wollen
Was wir draußen sollen,
Wenn ein Fuß dem andern folgt,
Am Wegesrand ein Untier grollt,
Von ferne die Versuchung blitzt,
An einer Tür ein Bettler sitzt.
Das Schweigen und die Stille
Schenken uns die Brille
Zu bess’rer Weltbetrachtung
Zu gröss’rer Menschenachtung.
Schließe nicht die Augen
Vor Dingen, die nichts taugen;
Lasse sie nur schmerzen
Und nehme sie zu Herzen.
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