07 Mar MOT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL – March 2011
Chers amis,
Dans la semaine du 13 février, j’ai appris le décès de trois personnes de notre communauté anthroposophique de Thornhill, en Ontario. Robert Nason et Michelle Monkhouse sont morts au début de la semaine, les deux âgés dans la vingtaine. Leur décès inattendu a bouleversé les familles et les amis. Veronica Jackson est morte le vendredi de la même semaine, mettant un terme à sa lutte contre le cancer et à sa vie de service aux autres, à l’intérieur et à l’extérieur de la communauté Camphill en Ontario.
Tout en portant dans mon cœur et dans mes pensées la traversée du seuil de ces trois individus, je m’interrogeais sur le moment de leurs décès. C’est alors que, il y a quelques jours, je me suis réveillé le matin dans un moment de clarté intérieure : serait-il possible que Veronica ait traversé le seuil pour venir en aide à Robert et Michelle? qu’elle ait parlé à sa propre maladie pour dire : Le moment est venu; on a un besoin urgent de moi de l’autre côté. Tu peux terminer ta tâche dans ma vie actuelle pour que je puisse traverser maintenant.
Je ne peux accueillir une telle pensée en moi que comme une possibilité, une possibilité toutefois qui serait parfaitement en harmonie avec la Veronica Jackson que j’ai appris à connaître ces dernières années. Comme élève de l’anthroposophie elle était à la fois mûre et pleine de compassion, prête à servir les autres partout là où le besoin se faisait ressentir.
Est-il donc possible que nous qui avons pris connaissance de ces trois passages du seuil ayons par le fait même été témoins d’un acte karmique? Un geste né de rapports karmiques venus du passé, ou né par contre de la profonde reconfiguration du karma rendue désormais possible grâce à l’être et à la présence du Christ comme Maître du Karma?
Même si Rudolf Steiner affirmait que la connaissance de la réincarnation et du karma à la lumière de la science de l’esprit constituait la tâche centrale de son existence, ce n’était que vers la fin de sa vie qu’il ait pu donner toute l’envergure des résultats de ses recherches sur le karma et décrire l’influence de l’événement christique sur l’action du karma dans nos vies. Il est donc juste que pour notre Assemblée générale annuelle du mois de mai à Vancouver, nous nous penchions sur cet aspect de son travail dans le contexte de la commémoration du 150e anniversaire de sa naissance.
Le thème de notre congrès lors de l’AGA sera: Comment le karma peut-il guérir? Permettez-moi de présenter ce thème en me référant à un épisode de l’histoire de Perceval. Au moment où Perceval prend consciemment la décision de retrouver le Château du Graal pour prononcer la question guérissante devant Anfortas, Gauvain se trouve à ses côtés. Ce dernier se fait accuser d’avoir tué ignominieusement un roi. Gauvain est abasourdi; il doit pourtant relever le défi que son accusateur lui lance; il doit obéir à ce moment karmique même s’il trouve que cette accusation n’a aucun lien avec sa propre vie. Pourtant, c’est par ce geste d’obéissance et les événements qu’il entraîne que Gauvain sera amené, étape par étape, jusqu’à la Terre des Merveilles. C’est dans ce pays qu’Anfortas a été blessé, c’est cette terre qui doit être guérie avant que Perceval dans son trajectoire à lui puisse percer jusqu’au Château du Graal. Par conséquent, ce qui est à l’origine de la conquête de cette terre et de sa guérison par Gauvain, c’est le fait que, se trouvant face à un moment karmique, il a envisagé la situation sans broncher et a demandé : Comment se fait-il que cela m’arrive à moi?
C’est dans ce contexte d’énigmes karmiques, voire de nœuds karmiques, que je me propose de parler de la motion qui sera déposée à l’assemblée générale annuelle d’avril au Goetheanum. Cette proposition réclame un vote de non-confiance à l’égard du Comité exécutif et définit une procédure de sélection pour constituer un nouveau Comité exécutif. La motion paraîtra dans son intégralité dans le prochain numéro de Anthroposophy Worldwide. Nous portons, les membres du conseil et le cercle des responsables de Classe, cette situation dans nos cœurs et dans nos pensées, et une lettre de Monique et de moi-même au nom du conseil vous sera envoyée sous peu.
Cette motion a été déposée dans le contexte de certaines décisions prises récemment au Goetheanum touchant la Section des Arts plastiques de l’École de Science de l’Esprit. Plusieurs membres de cette section trouvent qu’ils n’ont pas encore reçu de réponse suffisamment claire de la part du Comité au Goetheanum pour expliquer pourquoi leur section n’a plus ni responsable ni collaborateurs au Goetheanum. À leur avis, l’actuelle crise financière ne suffit pas à expliquer cette décision.
Je comprends bien le désarroi de nos collègues de la section des Arts plastiques, et je souhaite ardemment qu’ils puissent trouver un terrain d’entente avec le Goetheanum et plus précisément avec le Comité exécutif. Ce serait une perte pour nous tous si jamais ces artistes sentaient le besoin de se détourner du Goetheanum et éventuellement même de l’École de Science de l’Esprit. D’autre part, j’ai beaucoup d’estime pour la manière dont chaque membre du Comité au Goetheanum porte une compréhension de la Société anthroposophique comme société universelle, mondiale, et je respecte l’engagement avec lequel chacun de ces individus travaille à faire de cette idée une réalité. Au cours des dernières années, plusieurs membres du Comité au Goetheanum ont encouragé et ont participé de diverses façons à la vie de notre Société au Canada. Et les différentes réunions au Goetheanum m’ont permis de voir à quel point ils ont lutté pour résoudre les situations difficiles auxquelles ils ont dû faire face. Ils forment un cercle de collègues profondément engagés. Dans l’éventualité que cette motion si étroitement conçue réussisse, je ne peux pas imaginer que la procédure qu’elle préconise pour choisir un nouveau Comité exécutif ait comme résultat une configuration d’individus aussi aptes à encourager l’épanouissement d’une Société anthroposophique vraiment mondiale.
En vivant intérieurement avec cette situation, tout comme j’en ai connu d’autres semblables au cours de mon mandat comme secrétaire général, je continue à chercher une façon de saisir ce qui essaie de se faire comprendre ici. Dans son livre, The Challenge of Spiritual Language, Martina Maria Sam suggère que l’idée d’approcher une question ou situation de plusieurs côtés, disposés autour d’un centre ouvert, est une image qui reflète la pratique de Rudolf Steiner voulant que l’on caractérise les pensées ou les situations plutôt que de les définir. Dans une situation comme celle qu’a précipitée la motion en question, il y a une tendance pour chaque point de vue qui se fait entendre ou encore qui réclame une action énergique, à vouloir s’approprier l’espace de ce centre ouvert. Je propose alors que nous, au Canada, nous efforcions de comprendre cette situation particulière d’une manière analogue à celle que nous pouvons utiliser pour comprendre le mieux possible notre propre pays et notre Société; c’est-à-dire, placer autant de perspectives diverses que possible, y compris celles que j’apporte dans la présente lettre, autour de la périphérie, permettant ainsi à la lumière de pénétrer à travers elles pour éclairer l’espace ouvert du centre. Car de ce geste de comprendre à partir de la périphérie, avec une véritable compréhension johannique de ce que veut dire « comprendre », il nous sera peut-être possible de discerner des chemins jusqu’ici inconnus pour aller de l’avant.
Avec la présente lettre je vous écris pour la dernière fois en tant que Secrétaire général. Durant les sept dernières années, beaucoup d’entre vous m’ont accueilli dans vos cercles d’activité anthroposophique et dans vos vies. À travers ces rencontres humaines, qui sont le cœur même de tout ce que Rudolf Steiner voulait rendre possible grâce à la science de l’esprit, nous avons cherché ensemble à comprendre ce qui nous est demandé en tant que Société anthroposophique au Canada. Je vous remercie, chacun d’entre vous, de ce que vous m’avez donné; j’ai pu grandir de bien des manières en vous connaissant.
Au mois de mai prochain, les membres présents à l’Assemblée générale annuelle de Vancouver auront l’occasion de confirmer Arie van Ameringen comme notre nouveau secrétaire général. Paul Mackay sera présent à cette rencontre au nom du Comité au Goetheanum. J’ai appris à connaître Arie et à l’estimer comme membre de notre conseil national. Je lui offre mon appui total dans cette nouvelle étape de sa vie, en lui exprimant ma profonde reconnaissance d’avoir accepté de nous servir en tant que Secrétaire général pour le Canada.
Philip Thatcher
Secrétaire général
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